Aline - La citrouille - 4 octobre 2013
Aline est un chic type. Mais ça je le savais depuis la Maroquinerie en juin 2012, quelques semaines après la sortie de l’e.p sur lequel figurait le tube Je bois et puis je danse. Première rencontre avec Romain Guerret, Arnaud Pilard, Romain Leiris, Vincent Pedretti, Jeremy Monteiro, cinq garçons dans le vent d’une pop nouvelle, référencée mais pas plombée, simple mais pas simpliste, qui distille une profondeur légère. Confirmation aux Transmusicales de Rennes où je retrouve un groupe qui a le vent en poupe, à un mois de sortir leur premier album Regarde le ciel. Leur entourage s’est densifié, l’enjeu est de taille, dans une société du disque moribonde. Pourtant Aline reste un chic type : attentif, humble, disponible. La tête sur les épaules, ils restent conscients de la métamorphose des années 2000. Les disques se vendent moins, il faut tourner pour exister, l’heure n’est plus à la pose star-system.
4 octobre 2013, Aline passe à nouveau en Bretagne, à St Brieuc. Je suis curieux de connaître leur évolution, au bout de dix mois de promo et d’une tournée aux quatre coins de la France. Et puis, je veux aussi confirmer qu’ils sont toujours de chics types.
Tout commence par un message à 12h20 ce jour-là : « On est en route, on va arriver vers 16h00. A toute. » L’événement du vendredi, le compte à rebours est lancé. Je rejoins Saint Brieuc un peu avant 21h00. L’automne est là, il fait déjà nuit, et je retrouve des lieux familiers. La salle de la Citrouille à la périphérie d’une ville que je connais bien. Premier constat il n’y a pas grand monde. La belle proposition de Florian Mona essuie un peu les plâtres. Dommage le garçon a du talent. Je retrouve très vite les Aline, dans un patio pour les fumeurs qui souhaitent prendre l’air. Aline est donc toujours un chic type. Reprise de contact, debrief de la journée. On convient d’une interview qui se terminera par hasard avant le concert d’Autour de Lucie, déjà compagnon des Aline à L’Alhambra.
- 1. Regarde le ciel est sorti le 7 janvier 2013. Dix mois plus tard comment vivez-vous la réception de cet album par le public et les médias ?
ALINE : C’est un bilan très positif. Nous avons élargi notre audience, nous sommes passés en radio (Virgin, le Mouv’…) On peut dire que pour nous 2013 est une année extraordinaire. La réception critique de l’album dans les médias, à quelques exceptions près, a été très bonne. Si on a fait la couv’ de Magic, après faut relativiser : c’est 3000 lecteurs. Mais on ne s’attendait pas forcément à une telle unanimité, c’est une belle surprise.
- 2. Avec le recul, changeriez-vous quoi que ce soit à cet album ? (Titres, arrangements…)
A : On écoute rarement l’album. Pas de nostalgie ni regrets. C’est la photographie d’une période avec un début et une fin (le titre Les Copains qui ouvre et clôt dans une seconde version d’Anne Laplantine l’album). On a envie du deuxième album. Mais avec la promo, la tournée, on a pas le temps encore de s’y consacrer. On a des pistes, des morceaux, des démos pas encore exploités.
- 3. Vous avez beaucoup tourné cette année. Vos impressions ?
A : On attendait ça depuis des années. C’est un rythme de dingue. Etre sur scène. Mais c’est un an de tournée-plaisir. Il y a juste la problématique de rester naturel. La question de rester sincère face à des textes qui datent d’un état d’esprit dans lequel je ne suis plus (c’est Romain qui parle). Monter sur scène c’est aussi un talent de comédien. Après cent concerts, endosser un rôle, se remettre dans l’état d’esprit de l’écriture du morceau. Pas simple. Par exemple une chanson comme Elle m'oubliera. Je dois me remettre dedans pour l'interpréter. On est comme tout le monde, parfois on est fatigué, malade, pas dedans. Mais faut y aller. On a installé entre nous (Arnaud et Vincent, guitariste et batteur, prennent le relais) des repères, des regards à des moments précis qui nous aident. Des rituels dispensables mais qui nous rassurent. Qui nous permettent d’être dedans.
- 4. Une date marquante ? Une mauvaise expérience ?
A : Date marquante ah oui. Récemment le festival Heart of glass, heart of gold. (fin septembre en Ardèche). Dans le top 5. Vincent semble s’illuminer d’un coup : le concert avec Motorama ! (le 9 février 2013 à Lyon, groupe fétiche pour Aline…) Arnaud rajoute : le Café de la Danse (21 février). Avec Marc Desse en première partie, un ami. C’était la première fois qu’on prenait la mesure de notre public grandissant. D’un coup on se rendait compte que les gens connaissaient nos paroles, qu’il n’y avait pas que nos « followers » au premier rang.
Et la mauvaise expérience ?
A : Pas vraiment une mauvaise expérience. Mais Aires Libres, à Marseille. 35 °c, une énergie anesthésiée. On était pas dedans, grosse chaleur, problèmes techniques.
Dommage, sachant que c’est votre terre d'adoption, vous vivez là-bas…
A : Y a pas beaucoup de place pour la pop à Marseille. C’est surtout hip-hop, électro…On le regrette.
- 5. Une question que l’on pourrait poser à tous les artistes qui tournent beaucoup : comment fait-on pour ne pas en avoir marre de jouer les mêmes compositions chaque soir ? Comment rester dans l’interprétation sincère ?
A : (Romain) Comme je te disais tout à l’heure, j’ai eu beaucoup de mal au début. Du mal à se remettre dans l’état d’esprit. C’est un jeu d’acteur. Mais pas du fake. On arrive à se mettre en condition. Aujourd’hui je m’en fous si je fais un pain, si je ne suis pas parfait. C’est un cercle vertueux, un travail de groupe. Et ça me libère.
- 6. Vous avez croisé des nouveaux compagnons de route en tournée ? Le temps de découvrir de nouveaux artistes, des disques chouettes ?
A : C’est par phases. On aime beaucoup Motorama. On connaît Mathieu (Lescop), Granville, Pendentif. Arnaud ajoute : je réécoute Ariel’s Pink. Mais y a des moments ou on n’écoute rien. C’est pas une obsession d’écouter les nouveautés.
- 7. Vous faites partie sur les réseaux sociaux des phénomènes qui ont fasciné autant qu’ils ont énervé. Comment le vivez-vous ? Woodkid, Fauve, Daft Punk, Stromae ? Y-a-t-il en France une détestation du succès populaire et médiatisé ?
A : On comprend ça. Au final on préfère la réaction passionnelle. Tout ça est typiquement français. C’est super facile. Depuis Facebook et autres, tout le
monde peut avoir un avis sur tout en un clic. (Romain ajoute) C’est Deleuze. Le simulacre de la démocratie. Personne n’écoute personne, comme dans les débats politiques. Chacun pense détenir la
vérité. Du coup ça tourne en rond.
Ca vous affecte ?
A : Non, ça fait partie du jeu. C’est la violence des réseaux sociaux. Inhérent à la société de 2013 . On fait avec. On a des ennemis identifiés. Mais l’argumentaire est faible. Ces mecs (les « haters » comme on dit aujourd’hui) n’existent que par ce biais. Quoi que tu fasses, dises, ils trouveront à redire. On s’en fout. Soit tu nous aimes, soit pas. (et je me suis promis de ne pas citer Arnaud quand il qualifie de « petite pute » les cas de « haters » en question. Ou au détour d’un article aussi. Sur Granville quand le journaliste balance gratuitement sur Aline).
- 8. Revenons à un sujet moins polémique. Le clip d’Elle m’oubliera vient de sortir il y a deux semaines. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’idée de départ, la réalisation ?
A : D’abord on avait pas de thunes. Quand t’as pas de fric faut être ingénieux. Et pour ce deuxième single, il y avait l’idée de message universel. Tout le monde a connu une rupture, une séparation. Donc l’idée c’était de mettre ces mots dans la bouche de tout le monde. On a bossé avec une troupe de comédiens. On aime bien l’idée.
- 9. Quelles sont vos envies, vos projets pour 2014 ? Y-a-t-il déjà un nouvel album en préparation ?
A : On y travaille. Mais entre les concerts, la promo, on n’a pas encore eu vraiment le temps de s’y mettre. On a vécu une année de dingue. On a quelques
pistes, des idées, quelques morceaux...
Bientôt les premières notes d’Autour de Lucie parviennent à nos oreilles. Je quitte alors les Aline en leur souhaitant le meilleur pour le concert à venir.
23h40. Début du concert. Le public briochin est désolant. Une centaine de personnes présente sur une jauge de 400. Mais un public client, réceptif. Enfin, à la
bretonne. Aline livre un concert efficace, qui séduit sur Les désaxés, reprise de 1985 de « tout ce que je veux » qu'on croirait tout droit sorti du giron alinien. On découvre par
ailleurs que Romain siffle aussi juste que Micheline Dax. On apprécie également l'aisance du jeu de scène, qui fait aujoud'hui qu'Aline, plus que jamais, est un groupe à voir en
concert.
Aline enchante sur « Deux hirondelles ». Et puis remporte la mise avec le combo « Je bois et puis je danse », « Elle m’oubliera » et « Teen whistle ».
© M.Lelchat
Il est 00h50 et les Aline ont joué à St Brieuc. On espère les revoir en Bretagne très vite. Pour leur musique certes. Nerveuse, généreuse, addictive. Mais aussi parce qu’à 4h00 du mat’ on rentre chez soi en se disant que définitivement, ce sont de chics types. A bientôt les copains.