Quatrième de couverture :
Elizabeth et Karli habitent à Dresde, en Allemagne, avec leur mère. Leur père, mobilisé, se bat toujours sur le front. La plupart des villes ont été bombardées et, bientôt, la famille doit fuir à son tour. La petite troupe a recueilli Marlène, l’éléphante du zoo, et s’enfonce courageusement dans l’hiver glacé, avec l’animal qui changera leur vie…
La Seconde Guerre mondiale, du côté des vaincus. Le destin d’une famille prise dans la tourmente. Une histoire de courage et d’humanité par l’inimitable conteur Michael Morpurgo.
Aujourd’hui 5 octobre, Michael Morpurgo a 70 ans et je suis ravie de lui souhaiter un bo anniversaire en chroniquant un de ses nombreux romans. De lui je connais déjà (et seulement) Soldat Peaceful et Le Royaume de Kensuké. Dans ma PAL, il y a encore Cheval de guerre que je garde pour la mémoire de 14-18.
Ici nous sommes en 1945, côté allemand. Mais l’histoire d’Elizabeth et Karli nous est contée par Lizzie, Elizabeth devenue bien vieille et bien fragile veut témoigner auprès d’une infirmière canadienne (si j’ai bien compris) et de son fils, qui porte lui aussi le prénom de Karl. La mémoire de la destruction massive de Dresde, la fuite qui a suivi vues à travers les yeux d’une jeune Allemande, de son petit frère et de sa mère. Sans oublier un animal, signature typique de Morpurgo : dans ce déluge de feu, dans la tourmente du froid et de la faim, l’animal en question apporte un vent de fantaisie exotique, car il s’agit d’une jeune éléphante prénommée Marlène, en hommage à Marlen Dietrich. On serait tenté de ne pas y croire, comme la mère de Karl, mais on finit par se laisser porter par ce pachyderme rassurant…
La guerre, un animal, deux ingrédients familiers de l’auteur, mais on retrouve aussi des personnages qui essayent d’affronter le plus honorablement possible cette période troublée, on observe comment chacun réagit face à la barbarie : se réfugier dans son petit abri ou rester solidaire, aider les autres ou les dénoncer ? J’ai particulièrement apprécié l’humanité de ces gens ordinaires : aucun n’est un super-héros, ni "mutti" qui a pourtant condamné l’attitude pro-nazie de sa belle-famille, ni Elizabeth qui traîne un peu la patte et jalouse son petit frère, ni Karli qui pousse parfois ses talents jusqu’à de malencontreuses gaffes. Mais ils ont de sacrées personnalités, ces héros, et on ne peut que vibrer, douter avec eux, on ne peut qu’admirer leur force de caractère, leur courage.
Et j’admire aussi l’auteur Michael Morpurgo, qui sait tellement bien doser ses effets, ménager le suspense, sans malmener ses personnages : je l’avoue, quand l’éléphante a fait son apparition, quand la famille s’est enfuie de Dresde avec Marlène, j’ai eu peur de subir trop d’émotions, je craignais que les membres de la famille ne souffrent le martyre (surtout Karli), que l’éléphante ne meure de façon dramatique et que les enfants ne soient noyés de larmes, etc, etc. Je craignais même de devenir insensible, de ne plus supporter trop de malheurs. Eh bien pas du tout : bien sûr, l’exil n’a rien d’un voyage confortable, les enfants, leur mère (et un quatrième personnage à découvrir en lisant) doivent subir le froid, la faim, la peur, ils doivent se cacher, ils savent qu’ils sont pris en tenaille entre les Russes et les armées alliées, mais l’auteur ne leur fait rien subir de trop insupportable, de trop violent. Et ce n’est pas pour cela que le roman est gnangnan, au contraire, on prend une fameuse leçon de vie, d’histoire vue du côté allemand.
Une belle leçon d’humanité servie par de belles illustrations, pleines de vie et de finesse, de Michael Foreman.
"Ce fut la nuit la plus longue de ma vie. Je n’avais encore jamais assisté à tant de misère humaine, sur une telle échelle. Ce sont les bruits d’un peuple au désespoir que je n’oublierai jamais : les gémissements, les sanglots, les cris et les prières. Comme nous voulions tous sortir vite de la ville, cette nuit-là, et comme nous avancions lentement ! Nous nous traînions dans le froid et dans l’obscurité, la plupart d’entre nous à pied, mais beaucoup à bicyclette, en voiture, en camion, dans des charrettes de ferme, chacun bousculant l’autre pour avancer, pour aller un tout petit peu plus vite. Tant de gens cherchaient désespérément un être cher qu’ils avaient perdu, tant d’autres, enveloppés dans des bandages, pleuraient de douleur !" (p. 90-91)
"Souviens-toi toujours de ces mots de Goethe que j’aime tant : ‘Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, et de la magie. Commence dès à présent.’ Alors commence à faire revivre la nouvelle Allemagne, ma chérie, aide-la à renaître." (p. 195)
Michael MORPURGO, Loin de la ville en flammes, traduit de l’anglais par Diane Ménard, Gallimard jeunesse, 2010 (et Folio junior, 2013)
Les anniversaires célèbres sont chez Sandrine (Tête de lecture), et c’est aussi un roman anglais, avec un nom de lieu dans le titre !
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