Aujourd'hui et dans les prochains jours le projecteur sera braqué sur quelques boissons emblématiques de la Normandie, à commencer par le calvados qui porte le nom du département de production. La naissance de cette eau de vie de cidre, qui ne s'appelait pas encore Calvados, est très lointaine, le premier écrit officiel remonte au XVIème siècle.
De nombreuses maisons distillent leur alcool. J'en ai choisi trois, le Père Magloire, installé à Pont l'Evêque, Boulard à Coquainvilliers, qui sont en quelque sorte complémentaires et puis un petit producteur.
Pour le premier on peut, avant ou après la visite, gouter des spécialités régionales juste en face, dans un restaurant qui a conçu sa salle en recyclant les tonneaux ... précisément du Père Magloire.
La visite commence par une annexe renfermant le Musée du Calvados et des Métiers Anciens. Créé en 1983, il regroupe une collection de 450 objets dont les plus anciens datent du 18ème siècle. On peut y voir des objets encore familiers au milieu du XX° siècle comme les fers à repasser qui stationnaient en quasi permanence sur la fonte de la cuisinière (modèles du bas de la photo) ou encore plus anciens, avec leur réservoir à braises (juste au-dessus).
L'homme quitte sa cheminée et les murs à colombage de sa propriété pour se rendre dans les vergers juger des futures récoltes. Il est surprenant (mais logique) de le voir s'intéresser aux jeunes pommiers à cidre qui ne fourniront leur récolte que dans une dizaine d'années.
La taille est une étape cruciale. Il s'agit que la lumière pénètre sur les branches pour faire mûrir tous les fruits, sans distinction. Les arbres ont une silhouette caractéristique avec un tronc prédominant et une structure à étages.
Les vergers sont installés sur des coteaux exposés au sud, sur des sols d'argile à silex peu profonds, donnant des fruits très riches en sucre et en arômes parce que les racines sont en contact direct avec le substrat.
On imagine la beauté des champs, avec l'explosion des fleurs roses au mois d'avril, un moment que Michel Poulain qualifie d'euphorique quand un petit vent pollinisateur vient aider le travail des abeilles.
La récolte est impressionnante puisque les arbres sont secoués (qu'on se rassure, l'enracinement est solide), ce qui fait tomber le premier tiers des pommes arrivées à maturité. On ne peut pas se fier à sa couleur pour reconnaitre un fruit parvenu à maturité, pas plus qu'à son volume. la seule solution consiste à la couper en deux et à scruter la couleur de ses pépins qui doivent alors être noirs.
La récolte est automatisée. Suit la période de brassage, du 15 septembre au 15 décembre. Pour Père Magloire le volume représente 10 000 tonnes, dans un rayon de 15 km autour de la cidrerie. les fruits sont repris par ce qu'on appelle "le canal d'eau" avant que deux pressoirs hydrauliques en extraient le jus à la vitesse de 10 tonnes à l'heure.
On soutirera les cidres à la fin de la fermentation pour en retirer la lie. La distillation ne s'effectuera qu'en janvier. Je reviendrai sur le processus de double distillation qui est pratiqué en Pays d'Auge au moment de la visite de la maison Boulard.
Cette étape n'est pas visible chez Père Magloire dont la distillerie est située près de Livarot, où des pommes récoltées chez des centaines d'agriculteurs du pays d'Auge fermentent pendant 4 à 6 semaines, jusqu'à donner un cidre de 6 à 7°. Puis il est distillé, et stocké à Pont-l'Évêque dans de grandes citernes avant d'être mis dans les fûts en bois de chêne que nous allons découvrir.
Le film est nostalgique à souhait et ne correspond plus tout à fait à la réalité. On peut le regretter mais c'est un fait. il devrait être prochainement refait, notamment pour mettre en avant la personnalité du nouveau maitre de chai, Jean-Luc Fossey.
Après le film nous allons donc rentrer dans le bâtiment où les barriques sont impressionnantes, par leur nombre et leur volume, 3500 futs de 400 litres pour chacun des chais. Elles sont en chêne, dans un bois abattu il y a cent ans et qui a subi un séchage de 3 ans à l'air libre pour que les tannins trop amers ou trop agressifs aient eu le loisir de s'échapper.
Les traces que l'on remarque sur les tonneaux sont des marques de tannin. Il y a une certaine flaveur d'alcool perceptible dans l'atmosphère, probablement due à ce qu'on appelle la part des anges et qui correspond à une évaporation de 2%.
C'est à l'intérieur de chacune de ces aires que doit être effectué l'ensemble des opérations aboutissant à la production des eaux-de-vie : récolte des pommes, élaboration puis distillation des cidres. Chacune des appellations possède ses caractéristiques propres, dues à la fois au terroir et à la méthode de distillation.
Le maitre de chai déguste régulièrement, chaque matin à 11 heures, afin de vérifier les évolutions pour obtenir un produit final d'une grande qualité, respectueux de ses origines. C'est un mystère de comprendre comment il parvient à connaitre chaque fut quand on se souvient qu'il y en a 3500. C'est ce qui s'appelle avoir du palais.
C'est lui qui assemble les Calvados d'âges et de terroirs différents, souvent 20 à 25 différents, maintenir une constance de goût, un peu comme un fleuriste composerait un bouquet avec des fleurs de variétés différentes. Il est donc logique que son bureau soit reconstitué ici.
Quant aux Millésimes ils garantissent l'année de la récolte mais pas la durée de vieillissement, sauf mention spéciale. Enfin il faut savoir que la mise en bouteille arrête le vieillissement.
Nous avons commencé par comparer trois verres, tous issus de la double distillation. Effectuée en deux chauffes successives en alambic à repasse, la double distillation des cidres favorise l’extraction des esters aromatiques les plus légers et produit des eaux-de-vie aux notes florales et aux arômes délicats. Nous avons démarré avec le V.S.O.P (Very Superior Old Pale) qui a reçu beaucoup de distinctions.
Vieilli en fûts de chêne au moins 4 ans, ce Calvados Pays d’Auge au goût typique se caractérise par la finesse et la subtilité de ses arômes. Sa couleur est déjà d'un beau brun. Les arômes de fleurs de pommiers sont très présents. C'est celui qui est le plus fort en bouche. C'est lui que l'on choisira pour constituer la base d'un cocktail ou pour cuisiner.
Le X.O. qui peut aussi s'appeler "Extra" - "Napoléon" - "Hors d'âge" - "Très Vieille Réserve" - "Très Vieux" garantit un vieillissement sous bois de chêne de 6 ans minimum. Chez Père Magloire il est de 9 ans. Lui aussi très médaillé il affiche une robe ambrée, tirant sur le rubis. Plus fruité et déjà boisé, avec une impressionnante longueur en bouche.
Avec le 20 ans, notre palais connait "le grand écart". Ce calvados exprime une rondeur très appréciable où cette fois les pommes confites, l'amande grillée, l'écorce de chêne et le boisé l'emportent. Il est plus adapté à une consommation comme digestif.
Compter une heure de visite, incluant le Musée du Calvados et des Métiers Anciens, la projection audiovisuelle, la visite des chais et la dégustation.site : http://www.calvados-pere-magloire.com
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
La région a créé le label Gourmandie qui fête cette année le 26 septembre son dixième anniversaire. Ses boissons seront à la place d'honneur à coté de ses fromages.
Merci à Eliott pour ses photos complémentaires.