Que les choses soient claires : quand je dis “Le coup d’état permanent“, il s’agit de l’essai de François Mitterrand publié en 1964 chez les éditions Plon.
Que les choses soient encore plus claires : la situation évoquée dans cet essai n’est en rien comparable à ce que nous vivons au Maroc.
Que les choses soient parfaitement claires enfin : Benkirane n’est pas le Général de Gaulle et nous n’avons pas d’équivalent intellectuel à François Mitterrand parmi nos hommes politiques, sauf peut-être en duplicité et en retournement de veste.
Alors pourquoi évoquer “Le coup d’état permanent” en le liant à Abdelillah Benkirane?
Il s’agit d’un simple jeu intellectuel, que m’a inspiré le comportement politique de notre chef de gouvernement!
Dans cet ouvrage, François Mitterrand, farouche opposant au Général De Gaulle face à qui il se présentera à la présidentielle de 1965 et qu’il perdra, critique “la pratique du pouvoir personnel” par le président.
Or, ce que les adversaires de Benkirane lui reprochent et lui ont reproché c’est justement cette propension à vouloir gouverner seul, sans consultation avec ses supposés alliés de la majorité.
La crise politique qui traine depuis janvier dernier et la crise gouvernementale ouverte depuis deux mois en sont les conséquences directes!
L’impossibilité de former une nouvelle coalition avec le R.N.I. découle de l’entêtement de Abdelillah Benkirane et son refus du compromis qui constitue la base de toute action politique dans un système où la majorité parlementaire est nécessairement “polychrome”.
Bien sûr Benkirane n’a rien à voir ni de loin ni de près avec le Général de Gaulle : il n’est ni dans la même situation dans la hiérarchie de l’état, ni dans la même position dans le paysage politique du pays!
Mais le comportement humain de Abdelillah Benkirane n’est pas sans rappeler celui d’un responsable politique, tellement sûr de son fait, tellement sûr de sa légitimité et tellement sûr de son pouvoir qu’il risque de faire basculer le pays dans une situation que personne n’ose envisager!
Il faut reconnaitre que le P.J.D. et par voie de conséquence Abdelillah Benkirane sont arrivés au pouvoir par la voie des urnes : malgré l’abstention massive, malgré des listes électorales incomplètes, malgré le désintérêt des marocain(e)s pour la chose politique, malgré le climat général qui prévalait dans le monde arabe durant l’année 2011, on ne peut remettre en cause la victoire RELATIVE du P.J.D.
Mais cette victoire demeure RE – LA -TI – VE : les 111 députés islamistes (plus que 110 depuis vendredi dernier) ne peuvent se prévaloir d’aucune légitimité TO -TA – LE pour gouverner ce pays!
Ils sont obligés de composer avec les autres formations!
En continuant à diriger un gouvernement bancal et à affronter un parlement où à l’heure actuelle il est en minorité flagrante, le chef du gouvernement procède à une lecture et à une application pour le moins surprenante de la constitution de 2011.
Dans quelques jours, la nouvelle législature sera ouverte en grande pompe et avec le protocole habituel.
Verrons- nous dans les fauteuils recouverts de cuir rouge les nouveaux ministres? Verrons-nous dans les travées de l’hémicycle les députés P.J.D. et R.N.I. se saluer avec effusion et se féliciter de leur nouvelle alliance?
Ou alors continuerons-nous à assister, impuissants, à cet interminable feuilleton ridicule et pourtant terriblement dangereux qui mériterait, si la situation perdure, d’être qualifié de “coup d’état permanent”?