« Too much medicine » avaient titré il y a quelques jours ces chercheurs de la Mayo Clinic, sonnant l’alerte au surdiagnostic et au surtraitement de cancers de la thryroïde à faible risque. Alors que seule qu’une petite proportion des cancers de la thyroïde sont dangereux, la très grande majorité des patients se voient conseiller une intervention chirurgicale, un traitement invasif, coûteux, lié à des complications parfois sévères et qui nécessite une thérapie de substitution à vie. Cette alerte britannique vaut pour la France, où le nombre des ablations a été multiplié par 3 en un peu plus de 20 ans, alors que la mortalité liée aux cancers de la thyroïde est en baisse significative.
Pourquoi peut-on parler de surdiagnostic : Le cancer de la thyroïde montre tous les signes « pathognomoniques » ou typiques d’une affection surdiagnostiquée, répondent les scientifiques :
· l’incidence du diagnostic est croissante alors que la mortalité est stable ou en baisse. Ainsi, aux Etats-Unis, son incidence est en hausse, de 3.6 cas/100.000 en 1973 à 11.6 cases/100.000 en 2009 alors que le taux de mortalité (0,5/100.000) n’a pas bougé de 1979 à 2009. En France, la mortalité est en baisse en France depuis 10 ans (375 décès en 2012 vs 478 en 1999), mais le nombre des interventions a été multiplié par 3 depuis 1990, dépassant les 8.000 en 2012.
· Les soins médicaux et en particulier les chirurgies sont directement corrélés au taux de diagnostic,
· les nouveaux modes de détection de la maladie dont l’IRM capables de détecter de très petits nodules thyroïdiens dont 90% sont des cancers papillaires lents et de plus en plus tôt,
· les études d’autopsie montrent des taux élevés de cancers (nodules) de la thyroïde non détectés car asymptomatiques,
· des nodules, asymptomatiques, sont fréquemment détectés lors d’examens d’imagerie effectués pour de toutes autres indications.
En France aussi, lorsque de petits nodules asymptomatiques sont identifiés, les patients se voient proposer trop systématiquement une intervention chirurgicale. Ainsi, selon le nouveau dossier de la revue Que Choisir, 21% des interventions seraient inutiles, portant sur des petits nodules de moins d’1 ou 2 cm, qui soit ne sont « même pas » cancéreux, soit ne vont pas évoluer. Pourtant une échographie et une cytoponction peuvent d’estimer précisément la nature du nodule qui dans 65 % des cas s’avère bénigne. L’insuffisance d’examens semble donc directement en cause, mais aussi l’information du patient qui devrait être mieux sensibilisé aux conditions réelles d’une intervention.
Le concept de microPLICS : C’est donc d’abord et aussi une question de terminologie, en particulier pour les patients, car tous les cancers de la thyroïde rentrent peu ou prou dans la même dénomination. Le concept de microPLICS (ou micropapillary lesions of indolent course ou lésions micropapillaires d’évolution indolente), proposé par les scientifiques de la Mayo permettrait de mieux qualifier, pour les patients la nature bénigne de de petits nodules asymptomatiques. Mais une terminologie à laquelle correspondrait aussi un protocole spécifique d’évaluation puis de surveillance.
Sources:
BMJ 2013;347:f4706 27 August 2013 Thyroid cancer: zealous imaging has increased detection and treatment of low risk tumours
BMJ 2013;347:f5427(Editorial) 4 September 2013 Thyrombolysis, thyroid cancer, and the need for scepticism
Que Choisir Santé n°76 d’octobre 2013
« Overdiagnosed: Making People Sick in the Pursuit of Health Hardcover” by H. Gilbert Welch (Vignette)
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