Après l’immédiate présence des films, c’est l’espace qu’on perçoit, qui nous absorbe, nous conduit : les trois lampes au dessus des fauteuils, les deux buffets, la salle avec un lit de prison et un plat rempli de sable. Et ce sont eux qui nous mènent vers les photographies, rangées en ligne sur de petites étagères entre des appliques industrielles ou accrochées en grand format. Les dessins, on les voit à peine, ils ne retiennent guère l’attention.
Mais les photos, si : on ne peut s’en détacher. Non pas tant par leur style, leur facture assez médiocre, mais parce qu’elles sont toutes ou presque des révélateurs d’intimité, par tout ce qu’elles nous montrent de Patti Smith, tout ce qu’elles nous disent de sa vie.
Cette exposition est funèbre, et la dernière salle, titrée La mer de Corail, m’a ramené aux veillées mortuaires de mon enfance campagnarde. Des voiles noirs délimitent un espace semi-clos. En lieu et place de la bière, un trampoline blanc sur lequel sont projetées des images de mer, de vagues. Au mur, là où aurait été le crucifix, un écran avec toujours le ressac de l’eau. Une chanson de Patti Smith en fond sonore. Dans le reste de la salle, des reliques, photos d’instruments de musique, couronne d’épines, et mules du pape. C’est la salle qu’elle dédie à Robert Mapplethorpe.
Au risque d’offenser les fans inconditionnels de la chanteuse, j’en suis ressorti avec un certain malaise, partagé entre voyeurisme et morbidité. L’intensité du pathos mis en scène ici fait qu’on a du mal à s’intéresser à la qualité intrinsèque des oeuvres, tout est axé sur la construction du mythe de l’artiste. On en sort connaissant mieux Patti Smith, pas nécessairement gardant en mémoire des oeuvres marquantes.
Photos © Patti Smith: Mon cheval, Namibie 2005 & La rivière Ouse, où Virgina Woolf s’est donnée la mort le 28 mars 1941.