"Les gens ils sont cons"

Publié le 04 octobre 2013 par Teazine

INTERVIEW PULKO
Il y a un an, une vidéo faisait le tour de la petite toile francophone. "33 Coups" - c'est le nom du morceau - montrait, sur fond d'images de mauvaise qualité de Bordeaux, deux rappeurs au flow bancal et aux paroles aussi explicites que "Dans la région Aquitaine / On te baise par centaines", "Il y avait un bossgo à la Japan Expo / La prochaine fois j'vais pécho"  ou encore "T'es en chien de chiennes / va sur les boulevards / Ou à la gare Saint Jean / C'est là qu'y a les putes / Trente euros la turlute / Je te jure que c'est vrai".
Une sorte d'hommage maladroit à la ville qui a provoqué l'hilarité générale, et donc le buzz. Certains y voyaient une blague, mais non, Arsenal 187, le collectif de Pulko et Nico, à l'origine du morceau, est tout à fait sérieux, et il y a plein d'autres morceaux de ce calibre.

On a voulu interviewer Pulko pour savoir qui il était vraiment, et ce que ça lui faisait d'être tourné en ridicule. Réponse, par Skype, de l'intéressé : il s'en fout, quand il buzze, il gagne de la thune. Ce grand gaillard de 26 ans qui vit à Pessac a même un message pour vous : il vous emmerde. 


TEA : Salut Pulko, qui es tu ? 
Pulko : Pendant un grand moment je disais que je suis un rappeur, à l’allure où ça va, vu que j’ai des clash avec What the Cut et SLG, je pense que je me considère plus comme un Youtuber aujourd’hui. Pourquoi exactement ? Ben un rappeur il est 100 % dans la musique, dans ses textes, et moi je me rends compte que ce qui m’intéresse c’est de faire du buzz (sourire).
T’as pris goût au buzz après l’histoire de "33 Coups" ?  Voilà c’est ça, exactement. Tu t’y attendais, à ce succès ? Alors "33 Coups" faut savoir que je l’ai écrit en 2010, tout seul. Et sur ce morceau j’ai voulu inviter Nico... Non, d’abord sur "33 Coups" on était trois à la base. On était trois à l’avoir écrit. Le troisième il m’a fait une grosse trahison, quelque chose qui se fait pas, donc on l’a éjecté, on a refait le morceau et quand je dis "Tu veux baiser ma meuf je vais niquer ta mère" ça s’adresse à cette troisième personne. En gros j’ai censuré son couplet pour le clasher. Après, juste avant de clipper "33 Coups", y a Nico il a fait un morceau qui s’appelle "Geek". Ce morceau il est passé chez Morandini, et je me suis dit, en clippant "33 Coups" et vu que y a Nico dans le morceau, c’est obligé le clip va buzzer ! Alors au début ça allait lentement. En une journée j’ai fait 100 vues, après ça allait petit à petit, 50 vues, 10 vues, j’étais là "Ouais d’accord…" Un soir je regarde le clip pour montrer à une amie : 1500 vues ! Je me dis "Oh putain ! Déjà là ça rigole pas…" Et puis un jour mon Facebook il arrête pas de notifier, notifier, mon Youtube pareil… C’est là que le buzz est né. On sait pas trop comment. Mais je pense que c’est mon clash avec What the Cut qui a facilité les choses aussi.
[Pour comprendre le clash, What the Cut s'est foutu du morceau de Pulko "Du Lourd" ici, et Pulko lui a répondu là]
Est ce que t’as aussi cherché le buzz dans la façon de faire la vidéo ? 
On l’a un petit peu shitée la vidéo. Avec Nico on était en boîte de nuit et y avait un gros showcase avec des rappeurs français. Mais y avait pas beaucoup de monde à cette soirée… On va dire que y avait plus de rappeurs que de public. Et pour le morceau final, histoire de déconner un peu, on est montés sur scène avec tous ces rappeurs. Pas pour chanter, mais pour faire les cons. Et ces images on les a mises sur le clip de "33 Coups". C’était la première version qui est sortie. Celle dont je parle, et que tout le monde connaît, c’est celle avec des images de Bordeaux qui défilent derrière.  Sur la première version y avait un pote à nous, avec le crâne rasé, celui qui chante pas. Tu vois ? Bon, ce mec là il a voulu nous faire des problèmes. Parce que le clip a atterri sur abrutis.com (rires) – ça on s’en bat les couilles – mais lui ça lui a pas plu. Il a pas voulu assumer et il a menacé de porter plainte parce que son père est avocat. Et moi je me suis dit y en a marre, on retire la vidéo et on va en refaire une. Ah c’est pour ça que t’as retiré la vidéo ?
Oui, c’est juste pour ça. Sinon, tout ce qu’on fait dans la vidéo on l’assume pleinement. Mais depuis la vidéo a été remise en ligne par d’autres personnes… Après c’est son problème, moi j’ai refait ma nouvelle version et voilà.
D’ailleurs, cette vidéo qui a été remise en ligne a pour titre "rap de beaufs bordelais"… T’en penses quoi ?  On les emmerde (rires). On les emmerde parce que je suis sûr que s’ils avaient marqué "le bon rap du 33", les gens arrêtaient de la regarder. Donc tu penses que pour être connu il faut faire un peu le con ?  Un peu le con ? C’était pas mon but à la base, mais ça a fait un gros buzz... Je vais te dire un truc, le prochain clip qu’on va faire il s’appelle "Arme de destruction massive" et va y avoir une petite attaque contre What the Cut encore. Et je pense que rien que ça, ça va le faire buzzer. Je voulais plutôt savoir si t’étais prêt à refaire une vidéo comme "33 Coups", où certains se demandaient si c’était pas une blague…  Pourquoi pas ? A la base, moi je rappe pour me faire plaisir. Et même si mon rap ça les fait rire, ils sont toujours clients, ils regardent la vidéo, et quand ils regardent la vidéo, y a une monétisation, y a une pub. Je me fais de l’argent à chaque fois que quelqu’un regarde la vidéo. Et après, y a des gens, ils aiment ce que je fais.

Ca fait combien de temps que tu fais du rap ? 
2006.
C’est venu comment ? 
Pari à la con. Y avait le morceau de Booba "Garde la Pêche" et y en a ils disaient "N’importe qui peut faire du rap", alors je m’y suis essayé, et c’est vrai, tout le monde peut en faire. J’ai pas traîné dans les MJC, j’ai pas fréquenté les grands frères des cités, j’ai pas fait ce genre de choses. J’ai des inspirations : Booba, Rohff… En fait, au niveau textes, c’est le rap français ma référence, mais au niveau style c’est le rap américain. Mais je sais pas parler anglais, je peux pas m’inspirer de leurs textes.
Pour en revenir à "33 Coups", c’était quoi l’idée de départ, pour le texte ? 
Faire un petit hommage à Bordeaux. Ça montre les bonnes choses qu’il y a à Bordeaux et aussi les mauvaises. On va pas se mentir. C’était pas du boulot, de faire le clip ? 
"33 Coups" on a mis 48 heures à le monter. Je suis très fort en montage vidéo.
Y a des gens qui te reconnaissent dans la rue ? 
Dans un McDo on m’a déjà reconnu.
Et ils disent quoi les gens ?
Y en a ils disent "Ouais ta vidéo elle m’a bien fait rigoler" et moi je suis là "Tant que tu la regardes c’est le principal". Et là va y avoir un petit concert bientôt, mais pas plus d’information pour l’instant. Ça va être mon premier.
Et t’as d’autres projets sinon ? 
Avec Nico on va préparer un street album en commun, mais je ne révèlerai pas le titre pour le moment. 
Et par rapport à la scène rap bordelaise, comment vous êtes accueillis, toi et Nico ? 
Ça j’en sais rien du tout. J’ai pas de contacts avec eux. J’ai eu un contact une fois en 2008, mais c’était vraiment avant d’avoir buzzé. Un groupe de rap que je ne citerai pas parce que j'ai pas envie de leur faire de la pub m’a dit "Yu devrais arrêter". Mais franchement j’ai pas envie de rentrer en clash avec eux parce qu’ils ont plus de notoriété que moi sur Bordeaux.
Et t’as connu Nico par le rap ?
Non non, moi et Nico on est potes depuis le collège. C’est moi qui ai commencé à faire du rap, et il avait envie de suivre (sourire).
C’est pas un peu difficile d’avoir des moqueries pour un travail que t’as fait avec passion ? 
Au début oui, mais quand je me suis mis à gagner de l’argent j’ai commencé à m’en foutre (rires). Et voilà. C’est tout ce que je peux dire. Ils regardent ma vidéo. Au final, c’est qui qui se fait plumer ? C’est eux ! Alors voilà, j’en joue, franchement j’en joue.
T’as l’occasion de t’exprimer là, qu’est ce que tu voudrais dire aux gens ? 
J’ai rien à leur expliquer. Moi je fais ce que j’ai à faire, je le fais comme ça me plait, si ça leur plait pas et ben… Les gens ils sont cons. Suffit qu’il y ait une réponse contre What The Cut, la vidéo sert à rien, elle a fait 4000 vues quand même (rires). Celle-là je savais qu’elle allait buzzer par contre. Parce que les gens ils attendaient que ça, une réponse à What The Cut. Je vais continuer à faire les choses comme je veux. Et puis après, si les gens me croisent dans la rue, ils peuvent demander une photo hein. Je suis facilement abordable. Après, quand on croise les personnes, on sait pas si c’est sincère ou si c’est faux. Voilà, y a toujours une petite méfiance. Après, signer des trucs, faire des photos, c’est un bon petit délire, c’est sympa.