Bill Seaman, né en 1965 aux USA, est un artiste multimédia
et un poète électronique. Ses premiers « textes poétiques » dans les années
80-90 sont de longues listes et colonnes de phrases courtes ou vers (parfois
avec rimes) dont le premier aspect, artificiel, semble avoir été produit par
une machine, mais qui sont des réflexions rythmées sur un thème, composées par
un artiste-poète conceptuel qui tente de concrétiser les interactions entre
cerveau et ordinateur. Ces œuvres poétiques peuvent être lues sous forme de
texte pur sur le site personnel de l’auteur,
mais elles ont aussi été montrées comme installations artistiques en rapport
avec des images et des sons. S.HE (1983) évoque un être androgyne ou un
cyborg. Watch Detail (1990) reflète la relativité du temps qui passe
dans la perception influencée par le langage. En 1994 Bill Seaman réalise Ex.Mech
ou The Exquisite Mechanism of Shivers (l’exquis mécanisme des frissons),
série de phrases poétiques produites par un corpus de 330 mots qui peuvent être
sans cesse remodulés sur supports changeants par le public dans une
installation, ou par le lecteur dans une version cd-rom. Ici la poésie devient
une construction mi-aléatoire mi-interactive d’associations dans un esprit
déclenchées par des mots modifiés selon des contextes visuels. Exemple de
phrase produite par la machinerie poétique de Ex.Mech : « Une illusion spirituelle se mêle à un
magnétisme flexible pour amplifier l’histoire ambigüe d’une identité
technologique ». Les œuvres suivantes de Seaman, sous son label
« poétiques de recombinaisons », explorent ces directions orientées
par des textes qui se lisent de plus en plus comme des programmes théoriques de
son art multimédia qui déborde les catégories : représentation de Exchange
Fields avec une danseuse, recherches avec des scientifiques, collaboration
avec des musiciens électroniques. Les « textes poétiques » semblent y
reculer devant la pensée théorique et la complexité informatique mais les
univers développés, inspirés par - et inspirant – l’Intelligence Artificielle,
conservent un caractère de « poésie » par leur étrange beauté, leur
polysémie, leur utilisation du multimédia comme un langage, et grâce à la
réapparition possible de mots écrits ou dits par la voix d’une machine qui
rêverait.
Bibliographie sélective:
Poetic Texts, 1980-2000, sur le site de l’auteur billseaman.com
The Exquisite Mechanism of Shivers, dans la revue d’art interactif Artintact,
Cantz 1994 (cd-rom)
« Recombinant Poetics VS Oulipo », dans l’anthologie Media Poetry,
éditée par Eduardo Kac, Intellect 2007
Neosentience, avec le biochimiste Otto Rössler, Intellect 2011 (essai)
Sitographie :
•Ex. Mech / The Exquisite Mechanism of Shivers : extraits sur le site
du musée d’art technologique ZKM. Cliquer sous la fenêtre vidéo sur chacun
des 3 petits rectangles noirs pour voir la transformation des phrases puis sur
le petit rectangle blanc pour regarder un extrait du film
•entretien
traduit en français de Bill Seaman avec la théoricienne d’art vidéo Yvonne
Spielmann :
•le site internet de Bill Seaman,
labyrinthique mais riche, comprend ses textes poétiques (sous la rubrique
« Texts » puis « Poetic Texts »), théorie, images, sons,
descriptions d’installations, etc. (en anglais)
•petite vidéo où Bill
Seaman résume ses vastes recherches en 2 minutes (en anglais):
[Jean-René Lassalle]