Quand on visite les sites français consacrés à la défense nationale, on s’étonne de ne voir nulle part aucune allusion au salon des armements qui se tient actuellement dans l’Oural, non loin d’Ekaterinbourg, dans la bourgade de Nijni Taguil. On dirait que l’ostracisme est de mise dans les médias français parce qu’aucune nouvelle traitant de cet événement majeur du monde de la Défense n’a réussi à surmonter les barrières tacites de la censure française. Dommage pour tous ceux qui s’intéressent aux armements, aussi bien que pour les spécialistes des relations franco-russes. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
La région de Nijni Taguil vient d’accueillir une grande exposition d’armements terrestres venus des 4 coins du monde. Des dizaines de contrats ont été conclus au cours des 2 journées précédentes. Le volume total des transactions passées frôle joyeusement le milliard de dollars, ce qui est loin d’être négligeable. Les Russes et les Français sont aux premières loges avec plusieurs concepts qu’ils ont dévoilés au cours de cet événement. A ne citer que le nouveau blindé léger de transport de troupes de fabrication franco-russe présenté par le holding russe Ouralvagonzavod ensemble avec Renault Trucks Defense et Nexter Systems.
Le nouvel engin a les allures d’un héritier des blindés plutôt français que russes. Il ne s’agit que d’un prototype, certes, mais ce modèle serait susceptible de conquérir de nouveaux marchés, à commencer par le continent africain ou le monde proche-oriental. Les concepteurs français et russes sont très populaires dans les pays de cette région et semblent avoir allié leurs forces pour tenir la dragée haute à l’invasion de la technique anglo-saxonne. Du point de vue de la mercatique cette manœuvre peut être estimée comme parfaitement opportune et réussie. Franchement les analystes du Kremlin considèrent le projet comme destiné purement à l’exportation parce que pourvu d’un trop grand nombre de pièces détachées de production étrangère, ce qui contredit au principe de la souveraineté de la défense nationale.
Ce qui attire encore plus l’attention des professionnels, c’est le viseur nocturne pour char d’assaut Agate – MDT permettant d’atteindre une cible à une distance de 4 kilomètres dans les conditions d’obscurité totale. Les spécialistes sont vraiment surpris par cet engin réalisé sur la base de l’électronique russe sans utilisation des pièces de fabrication étrangère. C’est une preuve formelle de la nouvelle étape franchie dans le développement de l’électronique nationale qui, il y a encore 10 ans, n’arrivait pas à s’extirper de la dépendance de l’électronique d’origine étrangère. On se souvient des intercepteurs Soukhoï avec les écrans à cristaux liquides produits en Allemagne ou au Japon. Maintenant cette époque semble être à jamais révolue.
Russia Arms Expo 2013 a de quoi étonner, mais il est tout à fait notoire que l’événement en tant que tel n’est plus pensé comme un show fermé réservé à des professionnels aguerris. La panoplie des armes exposées revêt de plus en plus un caractère de kermesse, de fête populaire à l’échelle du Bourget ou du Salon aéronautique MAKS dans la banlieue moscovite. Détail intéressant : pour la première fois de son histoire le Salon a accueilli les avions de combat des groupes de haute voltige Striji (martinets) et Russkié Vitiazi (Preux russes) qui ont exercé leurs prouesses au-dessus du champ d’exposition. Enfin, le vice Premier-ministre Dmitri Rogozine semble avoir la fibre commerciale, car il a incité ses lieutenants à faire de leur mieux pour transformer le show purement militaire en une grande foire militaire connue à l’échelle internationale. Ultime trait complétant le tableau : le salon se déroule dans une contrée plutôt déserte où l’on organise des duels de chars et des tests d’armes avec tir d’obus de combat. Aucune simulation : que du vrai ! Vous êtes bien en Russie où l’on apprécie l’authenticité de l’or et la force brute des canons. La France cette fois-ci a bien l’air de se mettre à l’unisson avec Moscou. Mais il est vraiment dommage que le public français n’ait pas été informé de l’événement, hélas !