Ils sont devenus l'un des maux de notre société si communicante. Jeudi 3 octobre, Hollande célèvre une Constitution, la Vème de notre République, qui paraît aussi obsolète qu'efficace.
Jugez plutôt la dernière séquence.
Il y a ces sondages d'internautes quotidiens, sans aucune valeur scientifique quand il ne s'agit que de ces enquêtes en ligne ouvertes à tous, anonymes ou pas. L'intoxication est manifeste, le simple intitulé des questions donne parfois la nausée. Chaque midi, par exemple, la chaîne BFM interroge sur son site sur le dernier fait d'actu.
D'autres sondages sont plus "scientifiques", publiés en rafale comme pour faire rebondir ou exciter le débat politique. Mais la plupart des commentateurs, surtout professionnels, assimilent ensuite les Français interrogés aux Français dans leurs ensembles, sans la moindre précaution de langage ni le rappel des marges d'erreur. D'autres osent questionner la conduite des affaires politiques à l'aune de ces rafales: "Hollande reste dans sa bulle" s'amuse ainsi Caroline Roux d'Europe 1, comme si les résultats sondagiers devait remplacer la sanction des urnes.
Jeudi 3 octobre,
"Un Français sur deux
considère que la politique économique du chef de l'Etat n'est "pas assez
favorable" aux entreprises, contre 19% qui la trouve "trop favorable"
selon un sondage BVA pour Challenges, BFM et Axys Consultants."
"87% des parents peu ou pas du tout satisfaits de la réforme des rythmes
scolaires. C’est l’enseignement que l’on peut tirer des premiers
résultats du sondage organisé par le Collectif des parents qui a
recueilli plus 760 réponses de parents représentant 1150 enfants, sur
les 18 500 scolarisés à Nantes." Presse Océans, qui publie ce sondage, ne livre aucun élément sur la méthodologie employée. Aucun institut officiel n'est non plus mentionné.
Mercredi 2 octobre,
"Dans le baromètre TNS Sofres pour le Figaro magazine, la patronne du
Front national devient en effet la troisième personnalité que les
Français souhaitent voir jouer un rôle important dans les mois à venir, à
égalité avec François Fillon, Alain Juppé et Christine Lagarde (33%),
mais derrière Manuel Valls (43%) et Nicolas Sarkozy (35%)."
"Selon un sondage exclusif CSA pour BFMTV publié mercredi soir, sur la
question de l'intégration des Roms, 65% des Français se sentent plus
proches du ministre de l'Intérieur, qui pense que seule une minorité de
Roms peuvent s'intégrer, en raison de leur mode de vie."
"La France est en retard en matière d'accessibilité
des cours universitaires sur Internet pour 65 % des étudiants et 78 %
des enseignants du supérieur, selon un sondage OpinionWay pour le
ministère de l'enseignement supérieur dévoilé mercredi 2 octobre." (source Le Monde)
Mardi 1er octobre,
D'après un sondage BVA-Orange pour L'Express, la Presse Régionale et France Inter, "A la question de savoir laquelle de ces deux personnalités politiques
ils préfèrent, 63% des sympathisants de droite ont désigné la présidente
du Front national, contre 29% pour le président de la République."
Imaginez la procédure pour parvenir à pareil résultat: "bonjour monsieur, êtes vous sympathisant de droite ?" Oui ou non, répondent les sondés. L'échantillon est constitué sur des bases purement déclaratives. Il y a de quoi s'énerver...
Lundi 30 septembre,
"Un sondage réalisé pour le SNU-ipp, premier syndicat du primaire, par
l'institut Harris Interactive, a montré qu'entre juin et la rentrée, le
mécontentement sur le sujet est passé de 25 % à 47 %." (source: Le Monde). Là encore, aucune précaution. L'échantillon devient la France.
Dimanche 29 septembre,
"Selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche, 26%
des personnes interrogées veulent sanctionner le président de la
République et son gouvernement lors des élections municipales. Une
proportion bien supérieure à 2008." Mais, ajoute le même journal, sans précaution, "61% des Français voteront en fonction de considérations locales." Alors, considérations "nationales" ou locales ? "Personnes interrogées" ou "Français" ?
Tiens, personne n'avait "sondé les Français" sur SFR et son bug qui nous a redressé les statistiques de l'emploi en oût dernier. On aurait aimé une question dans le genre "le gouvernement a-t-il demandé à SFR une panne technique à la veille des actualisations de situation à Pôle emploi ?".
[NDR: les sondages, quand ils sont bien faits, correctement menés, efficacement contrôlés, sont de bien beaux outils. Mais leur publication sans aucune précaution ni information méthodologique pose question. Et leur prolifération signale l'état de délabrement de notre société politique qui ne sait plus comment penser le monde et se réfugie derrière de pseudo-enquêtes pour se rassurer ou, pire, se guider.]