Je ne suis pas une grande fan de Noir Des’. Je connais les classiques évidemment. C’est comme les chansons de Gainsbourg, c’est inscrit dans la conscience collective. Je n’attendais pas vraiment le retour de Bertrand Cantat. En vérité, je m’en contrefiche éperdument. Mais j’ai écouté son nouveau titre, annonciateur d’un nouvel album en novembre prochain. Comment passer à côté ? Le clip (réalisé par Rod Maurice, le hiboo le plus connu de la blogosphère) a fait le tour du web et des JTs.
J’avais évidemment suivi, horrifiée et bouleversée, chaque étape de « l’affaire Vilnus », et le meurtre de Marie Trintignant (meurtre et non pas assassinat car il n’y a pas préméditation dans l’intention de donner la mort). Je savais le couple destroy animé d’un amour rock’n’roll, un amour fusionnel, passionné, violent, sous influences diverses (alcool, drogue…). Ce qu’il s’est vraiment passé à Vilnus, on ne le saura jamais. Trintignant n’est plus. Cantat oui. Pour un père, une mère, une sœur c’est abominable. On le comprend. Le seul fait que le meurtrier soit encore en vie est une injustice sans nom pour eux. Mais la justice, celle du tribunal, seule institution habilitée à déclarer un homme coupable ou non, a été rendue. Une sentence a été proclamée. Comme n’importe quel condamné pour meurtre, il a été emprisonné.
Sa peine, officielle, celle que les juges ont ordonnée, a été purgée. Il a été en prison. Sans doute moins longtemps qu’un dealer, qu’un violeur, qu’un braqueur. Mais c’est ce qu’ont décidé les juges.
Une fois le seuil de la prison passée, Bertrand Cantat purge d’autres peines. Celle que lui s’infligera tout seul jusqu’à la fin de ses jours et celle que la société a décidé de lui faire payer. Et là, il a en pour perpet’. Dans ces cas-là, l’autorité de la chose jugée n’existe plus. Les gens, fans ou pas fans, journalistes, médias, politiques, chanteurs, humoristes, demanderaient presque à ce que sa tête soit coupée. Après tout, on est en France, tout le monde est juge, un bijoutier tue (assassine à bout portant) pour s’être fait voler, et on trouve ça presque normal. Les autres peines, morales cette fois, il les paiera jusqu’à la fin de sa vie… Le poids de la culpabilité, la honte, les remords, l’image de la brute domestique, Bertrand Cantat portera tout ça sur ses épaules jusqu’à la fin de sa vie. Il vivra avec chaque minute, chaque seconde de son existence. Son passage en prison, finalement, c’était le plus supportable.
Alors oui il s’est pris un coup de vieux, il a perdu son assurance, sa flamboyance, il a le regard vide, un menton moins ferme. Il parait même en piteux état. Encore heureux. Imaginez donc qu’il s’affiche la mine heureuse, se pavanant comme autrefois ? Là, on pourrait vraiment parler d’indécence.
Je ne pardonne pas ce qu’a fait l’homme. Je n’oublie pas. Personne ne doit le faire. Je ne suis pas juge et je ne souhaite pas sa mort sur un bûcher. La plupart d’entre nous continue à regarder les films de Polanski, à danser et à glorifier Michael Jackson… Pourtant, eux aussi, traînent de lourds méfaits. J’essaie de faire la part des choses. Il y a l’homme et il y a l’artiste. Même si évidemment, la musique est une émanation de l’esprit et fait parfois écho à des faits de vie. Peut-être invoque-t-il entre les lignes le spectre de Trintignant dans « Droit dans le soleil ». Peut-être pas. Mais tout ce qui sortira de la guitare de Cantat, tout ce qu’il chantera à l’avenir donnera lieu, toujours a une extrapolation. Même s’il se mettait à chanter « Tourner les serviettes », ça ne passerait pas, on trouverait un sens caché à la chanson.
J’aime les chansons tristes. Je n’en ai strictement rien à foutre du retour de Bertrand Cantat. Ici, je ne parle que de musique et cette chanson, « Droit dans le soleil », dépouillée (guitare/contrebasse), fragile, mélancolique, m’a touché. J’ai apprécié, j’ai failli lâcher une larme et je reste persuadée que si elle avait été le produit d’un autre, on l’aurait sans doute encensée. Mais c’est Cantat, l’éternel condamné.