Une bien belle cérémonie comme Airbus sait en organiser ŕ chaque fois qu'il lance un avion nouveau. Cette fois, les invités venus en charter étaient conviés non pas ŕ Toulouse mais ŕ Séville pour la réception officielle de l'A 400M, lŕ oů est assemblé l'avion de transport militaire. C'est vrai qu'il est impressionnant le nouvel appareil avec ses ailes hautes et ses 4 turboréacteurs équipés d'hélices contrarotatives. Rien ŕ voir avec le vieux Transall qu'il remplace. Il est aussi terriblement efficace, il vole ŕ plus de 700km ŕ l'heure et il peut emmener une charge de 30 tonnes sur 4500km sans escale. La soute est immense, on peut y charger 116 soldats avec leurs équipements ou 66 civičres et une équipe médicale d'accompagnement de 25 personnes. Il peut également transporter 2 hélicoptčres Tigre tęte-bęche. Il n'a besoin que de 700m pour se poser sur une piste non préparée et il peut redécoller en moins de 1200m. Aujourd'hui les 8 pays qui ont commandé l'avion, Belgique, France, Allemagne, Luxembourg, Espagne, Turquie, Royaume-Uni et Malaisie peuvent éprouver un légitime sentiment de fierté ŕ l'égard de cet A 400M.
Une bien belle cérémonie pour un avion qui a failli ne jamais ętre construit. On se souvient de Tom Enders, alors président d'Airbus déclarant qu'il n'est pas en mesure de construire l'avion et qu'il faudrait mieux annuler le programme plutôt que de s'enfoncer dans la difficulté. Le coup de gueule est salutaire, les responsables européens se rassoient ŕ la table des négociations, remettent de l'argent au pot. Du coup Louis Gallois, alors président d'EADS, tord un peu le bras aux Espagnols de Séville. Il intčgre le programme de l'A 400M dans l'entité Airbus ce qui sauvera le programme.
Pourtant les difficultés continuent, techniques, cette fois : notamment le logiciel qui régule la puissance des turbopropulseurs (11 000 chevaux chacun!) est long ŕ mettre au point et il faut passer ŕ la caisse. 3 ans de retard, ça n'est pas gratuit sur le plan industriel. Aujourd'hui l'avion coűte officiellement 135 millions d'euros pičce pour un programme global de plus de 20 milliards d'euros avec 6 milliards de dépassement par rapport au budget initial.
174 avions ont été commandés dont 50 par la France, 53 par l'Allemagne, 27 par l'Espagne et 22 par le Royaume-Uni. Un programme qui pour l'instant n'est pas rentable mais le ministre de la Défense reste optimiste. Jean-Yves Le Drian a tenu ŕ montrer sa confiance dans le programme et a fait ŕ bord de l'A 400M le vol Séville- Orléans. (Les A 400M seront désormais basés ŕ Orléans). Le ministre estime que l'avion va imposer une nouvelle donne dans le domaine du transport aérien. Ť Nous aurions pu parachuter des troupes directement sur Tombouctou , au lieu de passer par Bamako ť a expliqué Jean Yves Le Drian, faisant allusion ŕ une récente actualité malienne, et estimant que l'appareil serait sans concurrence pendant 10 ans. Pour Marwan Lahoud, le patron de la stratégie d'EADS, le potentiel de l'avion ŕ l'export est de 400 exemplaires. Sont ciblées les armées du Golf et celles de la zone Asie-Pacifique. Les responsables ne se donnent aucune date limite pour atteindre la rentabilité du programme. Il faut mieux d'ailleurs ętre prudent dans une période oů les crédits militaires ont tendance ŕ baisser.
En attendant, l’Europe et la France ont acquis un outil d'indépendance, ce qui en matičre de Défense n'a pas de prix.
Gérard Jouany (avec la collaboration de Félicien Jouany ŕ bord de l'A 400M)