(réédition d'un article)
C'est une interview qui a fait assez peu de bruit, entre propos de Valls sur les roms et emballement médiatique autour d'une enfant assassinée, publiée dans la Croix le 29 septembre.
Il y déclare :
Question : Certains évoquent l’introduction d’une « théorie du genre » à l’école. Faut-il s’en inquiéter ?
J.-M. A. : De quoi parle-t-on ? S’il s’agit de faire reculer les stéréotypes, je pense que tout le monde sera d’accord. En effet, il reste énormément de progrès à faire en matière d’égalité entre les hommes et les femmes. Ces dernières ont des salaires moins élevés, des progressions de carrière moindres et elles sont moins nombreuses à occuper des postes à responsabilités, y compris dans la haute fonction publique.
En revanche, il n’est pas question d’introduire je ne sais quelle idéologie à l’école ! Il n’est pas question d’un temps d’enseignement sur la théorie du genre, pas plus dans les programmes scolaires que dans la formation des enseignants. Le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a été clair là-dessus. L’objectif, c’est la lutte contre les stéréotypes, et cela passe par l’école. Je pense par exemple au partage équilibré des tâches familiales entre les parents.
Idéologie du genre, les mots sont prononcés. Mots qui ne sont pas neutres, qui ont un sens comme de se dire "pro vie" quand on est antiIVG.
Parler d'idéologie du genre c'est adopter la rhétorique des complotistes homophobes et sexistes qui fantasment sur des enfants à qui on grefferait des pénis ou des vagins selon nos envies.
Adopter leur vocabulaire c'est admettre qu'au choix on n'a rien compris au genre, au choix on est un idéologue, pour le coup, confit dans des préjugés sexistes. Faire reculer les stéréotypes sans parler du genre est un non sens.
Le genre n'est pas une idéologie ou une théorie. Dire que cela en est une, c'est comme de dire que Les 3 ordres au Moyen-âge sont une théorie. Dire cela pour un premier ministre est faire preuve d'une ignorance crasse.
1. Le genre c'est quoi.
Le genre est le sexe social. Un enfant naît en France, on constate qu'il a un pénis ou un vagin (faisons simples), on l'élève différemment. On attend d'une femme certaines choses, on attend d'un homme d'autres choses.
Pourquoi parler de genre ? Parce que la féminité et la masculinité ont évolué au cours des siècles, des lieux et continuent à le faire.
Dans cet article, on nous parle de la littérature jeunesse qui se genre de plus en plus. Vous avez ici une évolution patente comparée à mon enfance (fin 70's) où les livres pour enfants étaient encore assez peu genrés. Vous constatez que la féminité s'envisage de plus en plus tôt et est de plus en plus axée sur l'apparence, la beauté. Et bien cela c'est le genre. Vous avez tous constaté (et dénoncé d'ailleurs) la sexualisation précoce des gamines ; et bien cela découle d'une évolution du genre. On tend à considérer que la féminisation (le devenir femme de Beauvoir) doit passer par cette sexualisation précoce. On tend de plus en plus à dissocier femmes et hommes le plus tôt possible.
Si le genre n'avait pas évolué, si la façon d'être socialement une femme n'avait pas changé, alors je n'écrirais pas sur ce blog et je serais probablement en train de torcher mes douze gamins en nettoyant les chiottes (vous regrettez là, non ?).
2. l'idéologie.
Evidemment autour de tout concept, il y a des idées différentes. L'on sait tous que le capitalisme existe (même si l'on en a des définitions différentes) et on n'est pas tous d'accord sur son devenir.
C'est strictement la même chose autour du genre.
Pour ceux qui parlent de "théorie du genre", femmes et hommes devraient rester sur des chemins strictement parallèles. Je tiens à leur rappeler que les choses ne sont jamais figées donc féminité et masculinité évolueront de toutes façons. Il y a 100 ans vous auriez sans doute considéré que le droit de vote des femmes conduirait à l'extinction de la civilisation. Je vous rassure, on dira autre chose dans 100 ans et la civilisation, pour ce que cela veut dire, sera toujours là.
Pour vous, mes semblables et moi briguons de débouler dans toutes les crèches de France pour arracher des mains des bambins mâles leur camion fétiche pour leur coller une barbie.
Je vous rassure cela ne sera pas le cas.
Je vous inquiète, on a pour projet de laisser les garçons jouer à la barbie s'ils le souhaitent. Car c'est cela le grand projet du grand complot LGBTJ. Permettre aux gens de faire ce qu'ils veulent. Tu es un homme, tu veux jouer au football, porter un costard et une cravate ? MAIS TANT MIEUX. Mais en revanche, on ne veut plus, jamais, qu'un mec qui a des souhaits tout différents, soit insulté pour cela.
Nous ne voulons plus lire qu'une femme n'a pas toute sa place dans le jeu video.
Je ne veux plus qu'une femme me dise que son gamin ne peut mettre des baskets roses qu'il adore parce qu'on le frappe quand il en met. Ca n'est pas grave, il s'en remettra de ne pas les mettre ? Mais si cela n'est pas grave comme vous dites, alors laissez le les mettre.
Est ce que le choix d'être ce qu'on désire, vous semble si perturbant ? Que craignez vous très exactement ? En quoi cela va-t-il influer sur vos choix personnels ? Ne plus harceler un gamin ou une gamine qui ne rentrent pas dans toutes les cases vous semble atroce ?
Et oui l'homosexualité fait partie de tout cela.
L'homophobie est constituée, pour part, de sexisme. Les homophobes ont le plus grand mal à assimiler qu'un homme puisse être pénétré (la majorité des commentaires homophobes portent sur ce sujet), qu'il ne respecte pas son "rôle d'homme". Les homophobes ne se remettent pas du fait qu'une lesbienne puisse se passer de la sacro sainte bite.
Mais QUI vous demande de penser à ce que les gens font dans leur lit (ou ailleurs oui) ? Qui vous demande de suivre des choix ou des modes de vie qui ne sont pas les vôtres ?
On vous demande simplement de nous foutre la paix. Et si la perspective d'un garçon jouant à la dinette ou d'une jeune femme jouant à un jeu video, demandez vous ce qui vous gêne au lieu de priver les gens de choix multiples, variés, divers.
Monsieur Ayrault vous avez envoyé un signal d'apaisement aux lobbies homophobes et sexistes ; on n'envoie pas ce genre de signal sans conséquence. On ne piétine pas les domaines de recherche des gens, la volonté d'égalité sans conséquence.
Ce qui vous semble trois mots anodins dans une interview m'envoie un signal extrêmement négatif et me fait dire que vous êtes infiniment plus proche idéologiquement parlant des gens qui se battent, pied à pied contre l'égalité. Et, je le répète, lutter contre les stéréotypes sans comprendre ce qu'est le genre est à peu près aussi bête que lutter contre le racisme en supprimant le mot race.