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"La guerre de course constitua ainsi une part importante des conflits franco-britanniques entre 1689 et 1815 (la "seconde guerre de Cent Ans")". citation extraite de B. Heuser, Penser la stratégie de l'Antiquité à nos jours (Picard, 2013) que je viens de terminer et dont je vous reparlerai bientôt. Une précision tout d'abord : ce serait la troisième guerre de Cent Ans, puisqu'il y en a eu deux au Moyen-Âge. Mais là n'est pas l'objet de notre discussion. Plutôt dans cette notion de "guerre de course".
Au fond, la "guerre de course" n'est-elle pas l'équivalent de la petite guerre, sur mer ?
Qu'on se souvienne : la petite guerre, qu'on a rapidement assimilé à la guérilla, est un type de guerre qui a toujours existé : guerre de harcèlement, guerre d'irréguliers, guerre populaire, guerre privée et publique, ou plus exactement pour des motifs privés et publics s'insérant dans une guerre plus large, la petite guerre a très tôt existé.
Souvent, telle ou telle partie cherchait à l'instrumentaliser. Soit en l'encourageant en sous-main tout en lui laissant liberté de manœuvre (peu importe ce qu'ils font à l'ennemi du moment qu'ils lui font du mal), ce qui supposait une absence de coordination "stratégique" (direction de la guerre). Soit en essayant d'incorporer, plus ou moins, ces bandes armées, en les enrôlant ou en les payant, ou en créant des unités similaires (les hussards ne sont-ils pas de cette sorte ? la cavalerie légère, d'une façon générale, n'est-elle pas le prototype des unités irrégulières régularisées ?).
Mais il s'agit là de méthodes terrestres. Quid sur mer ? Les corsaires, flibustiers et pirates ne sont-ils pas de ces gens armés, menant leurs activités militaires privées sur la mer ? La limite entre corsaires et pirates ne me semble pas, à y réfléchir, aussi nette qu'on veut bien le dire couramment. Comme s'il y avait une reconstruction postérieure pour magnifier les corsaires, surtout quand ils arrivent en soutien de la partie qui est en infériorité. Comme si encore on légitimait ex post, grâce à la fameuse lettre de course, une action qui n'était pas forcément prévue au départ.
Bien sûr, je ne méconnais pas les exploits de Surcouf, du 31 du mois d'août, ou de ce qu' "on se bat pour ce qu'on n'a pas". Et je me souviens que Vauban encourageait la systématisation de la guerre de course. Mais il y a peut-être un peu d'excès dans cette présentation univoque.
Ainsi, considérer que la guerre de course est une petite guerre sur mer permet de comprendre la difficulté des stratégistes maritimes (comment prendre en compte ces irréguliers, sachant qu'en plus l'océan est tellement vaste qu'on n'arrive pas à le contrôler notamment vis à vis de flottes de haute mer de l'adversaire?). cela permet aussi de comprendre l'ambivalence essentielle des corsaires, privés servant des intérêts privés et publics.
Ce flou, enfin est extrêmement utile pour appréhender le rôle des hacktivistes et autres hackers patriotes, dont on observe les actions de par le monde sans qu'il soit possible de déterminer, avec exactitude, s'ils sont manipulés par un État à la solde duquel ils seraient.
Ambivalence qui n'est pas neutre : le parti des geeks ne se dénomme -t-il pas "parti pirate" (voir billet)? au-delà de la curiosité, le nom qu'ils se sont choisis n'est pas neutre. Pirates, et pas corsaires. Comme si finalement cela n'avait pas d’importance, et que leur intérêt privé rejoignait l’intérêt public...
Faut-il des lettres de course pour les flibustiers du net ?
O. Kempf