J'avais une douzaine d'années lorsque j'ai vu 37.2 le matin quelques années après sa sortie, et même si j'avais été un peu préparé avant de le prendre en pleine gueule, le personnage de Betty et son histoire d'amour totalement passionnelle avec Zorg m'a marqué des jours et des jours.
Rarement je n'avais vu ( à l'époque, et même depuis) une telle incadescence et un tel amour jusqu'au boutisme dans une relation et rarement j'avais vu une actrice épouser à ce point là son rôle au point de se confondre avec elle.
Ce qui fou avec cette oeuvre oh combien générationnelle, c'est qu'au moment de jouer ce premier rôle dans ce film devenu culte de Jean Jacques Beineix, l'actrice incarnant Betty dans toute sa chair, Béatrice Dalle était alors totalement inconnue, découverte par hasard par l'immense directeur de casting Dominique Besnehard.
Et que contrairement à énormément d'autres actrices, elle n'a jamais révé d'être actrice de cinéma, étant à des années lumières de cette vie là ( quittant sa famille dès 14 ans et trainant dans les rues de Paris, où elle zonait).
Toute sa carrière sera d'ailleurs dominée par une volonté d'être totalement libre et à contrecourant du système, et cela lui a certainement valu de ne pas avoir la carrière que son talent naturel lui reservait.
En tout cas, Béatrice Dalle est une personnalité qui m'a toujours fasciné, de par son coté iconoclaste et j'avais donc envie de la connaitre plus, ce que j'ai fait en lisant sa biographie écrite par un journaliste ( déjà auteur d'une belle biographie sur Françoise Sagan), intitulée avec pas mal d'ironie et d'a propos "Que Dalle".
Ce livre, ressorti en juin dernier chez Sonatine, n'est pas tout récent puisqu'il reprend des longs entretiens entre l'actrice et Louvrier réalisés entre 2007 et 2008.
D'ailleurs, ce n'est pas vraiment une biographie classique car l'auteur se met beaucoup en scène et raconte d'ailleurs la génèse de ce livre et la difficulté d'écrire sur son sujet, bien que celle ci se montre bien plus avenante et disponible que l'image qu'on lui colle à la peau.
Du coup, Louvrier s'est aidé de témoignages de réalisateurs ayant tourné avec Béatrice, tels que Jean Jacques Beineix bien sur, mais aussi Claire Denis ou Christophe Honoré ( avec qui elle a tourné son premier long, 17 fois Cécile Cassard), qui donnent des informations sur le mystère Dalle et tentent d'indiquer comment elle est et devant, et derrière la caméra.
On a la confirmation de ce qu'on savait déjà, à savoir que Béatrice Dalle est une personne et une actrice assez fascinante à cerner, car elle ne pratique jamais la langue de bois, et que ce soit en public ou en privé ( ses relations avec son premier mari, qui s'est suicidé, mais aussi avec Rupert Everett, Joey Star ou son mari actuel, un détenu rencontré lors du tournage du film Casque D'or), elle a toujours cherché à aller vers le danger, l'excès, l'inattendu.
Sa carrière, malgré quelques films marquants ( outre 37.2, notons les films de Claire Denis ou Night on Earth de Jim Jarmush) a connu plus de bas que de hauts, et elle le doit certainement à ce coté jusqu'au boutisme et à cette nature incontrolable qui ont certainement effrayé pas mal de réalisateurs et de producteurs.
J'ai appris après ma lecture du livre que Béatrice Dalle a visiblement censuré certains passages du livre de Louvrier, ceux notamment où elle parle de sa famille et de son enfance (on comprend mieux pourquoi effectivement ces parties là m'ont laissé une image un peu tronquée), et aurait préféré que l'auteur ne reste que sur sa filmographie uniquement.
Mais malgré cela, Louvrier a quand même réussi à saisir une partie du mystère de ce personnage qui ne l'est pas beaucoup ( saisissable). On retrouve quand même un peu l'image qu'on avait d'elle, celle d'une grande gueule, avec ses révoltes et ses coups de gueule, humaine et intègre. Une femme et une fille passionnée, qui se donne à fond, au risque de se bruler un peu les ailes.
A la fin de cette première biographie autorisée( malgré ses censures) de celle qui est sans doute notre comédienne française la plus rock et underground ( devant qui même Asia Argento est intimidée), on est loin d'avoir tout cerné de sa personnalité, mais ce qu'on a pu saisir nous montre bien à quel point la Dalle reste totalement à part dans le cinéma français.