L’objectif de « métropole intégrée » du gouvernement Ayrault s’inscrit dans la continuité du sarkozysme.
Dans l’agenda de nos effrois,
les catastrophes institutionnelles prévisibles passent souvent au second rang. Grave erreur: elles donnent toujours lieu à maints retours d’expérience – regardez le quinquennat, par exemple – et il n’est jamais trop tard pour mettre en garde les citoyens face à des dangers tels qu’ils pourraient atteindre la République en son cœur. Prenons donc la mesure de ce à quoi tente de nous préparer le gouvernement avec son projet de loi dit «d’affirmation des métropoles», voté en juillet dernier à l’Assemblée nationale et qui arrive en débat à partir d’aujourd’hui au Sénat. Ce texte, adopté il y a deux mois avec les seules voix du groupe socialiste, est non seulement le fruit d’un putsch parlementaire, mais il constitue aussi un véritable big-bang institutionnel souhaité en son temps par… Sarkozy en personne!
Plus rien ne devrait nous étonner, mais tout
de même! L’objectif de «métropole intégrée»
du gouvernement Ayrault s’inscrit dans la continuité du sarkozysme, avec la refonte des régions, la limitation ou la disparition des compétences départementales ou communales, la création d’un Grand Paris, d’un Grand Marseille et d’un Grand Lyon, tous fantasmés par le Medef, sans parler de la dissolution des intercommunalités, au mépris des dynamiques de constructions métropolitaines inspirées par les diversités politiques et géographiques des territoires qui les composent. De quoi cette logique est-elle le signe? De «l’Europe des régions», par lesquelles les métropoles centralisées s’extraient des processus citoyens pour le droit à «la ville pour tous», privilégiant les logiques marchandes, les spéculations foncières… Ne nous étonnons pas. La réduction, voire l’éradication des échelons territoriaux jugés « inférieurs » est une vieille histoire d’inspiration libérale et figure au fronton de la construction européenne. Depuis le traité de Maastricht, la vivacité de la démocratie locale et leur pôle de contre-pouvoirs (communes, départements, intercommunalités, etc.) se trouvent régulièrement opposés à la fameuse «efficacité économique» érigée en modèle suprême. Nous en connaissons les ravages. Seules les grandes régions, mises en concurrence (non libre et faussée), sortiraient vivantes du champ de bataille mondialisé. Ce serait la dévastation de l’organisation territoriale de la République. Une forme de «marchandisation» des territoires, mis
sur le marché comme de vulgaires actions en Bourse…
La bataille parlementaire va redoubler au Sénat. D’ailleurs, ne sous-estimons pas la fronde des élus. Du Front de gauche à la droite, en passant par les socialistes ou l’Association des maires de grandes villes de France, ce projet est fortement contesté, à la fois parce qu’il installerait un «monstre» technocratique et bureaucratique impossible à gérer, pour tout dire inapplicable, mais également parce qu’il contredirait la lettre et l’esprit de ce qui a pu être mis en œuvre pour le développement du réseau de transports publics du Grand Paris. Nous le savons, plus de la moitié de l’humanité vit désormais dans les villes. Le processus de métropolisation devient la caractéristique majeure des modes de territorialisation des sociétés humaines à l’échelle planétaire. L’évolution du monde globalisé nous enseigne une donnée fondamentale : face aux inégalités sociales et territoriales de ces espaces urbains en mutation, le combat politique ne fait que commencer pour construire des métropoles solidaires, durables, polycentriques et démocratiques. Comme pour éviter les catastrophes...
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 octobre 2013.]