Pourquoi des enfants nés de mères porteuses n'ont pas d'état civil français ?
(Cour de Cassation, 1ère Ch. Civile, 13 septembre 2013 n° 12-18315 et n°12-30.138) Ces deux affaires, tranchées le 13 septembre dernier par la 1ère Chambre civile, se ressemblent : des enfants sont nés en 2009 et 2010 d’un Français et d’une Indienne, reconnus avant la naissance par le père.
Par la suite le Procureur de la République de Nantes refuse la transcription des actes de naissance indiens de ces enfants.
Dans une des deux affaires, la Cour d’Appel de Rennes ordonne la transcription, en retenant que "la régularité formelle et la conformité à la réalité des énonciations des actes litigieux n’étaient pas contestés".
Dans l’autre, en revanche, cette même Cour refuse la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger après avoir caractérisé l’existence d’une convention de gestation pour autrui conclue entre le père de l’enfant et la femme qui en est accouchée.
La Cour de Cassation casse le premier arrêt et rejette le pourvoi dans le deuxième, au visa des articles 16-7 et 16-9 et 336du Code civil. Tout naturellement, la haute juridiction considère en effet que
L’incise "en l’état du droit positif" semble évoquer l’opportunité de l’intervention du législateur pour régler le statut juridique de ces enfants nés de mères porteuses étrangères. Mais dans l’arrêt de rejet (pourvoi n° 12-18315) la Haute juridiction dit pour droit que :"en l’état du droit positif est justifié le refus de la transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger… lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude de la loi française d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public…"
La Cour de Cassation prend en outre le soin de préciser que, ni l’intérêt supérieur de l’enfant garanti per la CIDE, ni le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la CEDH ne peuvent être invoqués. Fraus omnia corrumpit, nous rappelle la haute juridiction."l’action en contestation de paternité exercée par le ministère public pour fraude à la loi, fondée sur l’article 336 du code civil, n’est pas soumise à la preuve que l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père au sens de l’article 332 du même code ; qu’ayant caractérisé la fraude à la loi commise par M. Y.. la cour d’appel en a exactement déduit que la reconnaissance paternelle devait être annulée"
Certes, mais quid du statut juridique de ces enfants ? Ils possèdent un acte de naissance étranger désignant un Français comme leur père, une Indienne comme leur mère. Ils résident en France. Très probablement, l’homme désigné en qualité de père est leur géniteur, leur père biologique. L’annulation de la reconnaissance paternelle est lourde de conséquence pour ces enfants : ils n’ont pas de filiation à l’état civil français.
En réalité, ce sont eux, les enfants, qui subiront les conséquences des errements des adultes.
Or, si dans ces affaires il s'agit de couples homosexuels d’hommes désireux d'être parents, le recours aux mères porteuses est encore pratiqué par bien des couples, hétéro ou gay, en mal d’enfants.
Internet pullule de site d’offres de mères porteuses (subrogalia.com, meres-porteuses.com, ..) et d’annonces. Il suffit de cliquer. C’est un marché juteux pour des intermédiaires sans scrupules qui jouent sur la différence des lois nationales en cette matière et sur la puissance du désir d’enfant qui fragilise les couples prêts à tout pour avoir un bébé.
Personne pourtant n’informe ces couples sur les difficultés inextricables qui les attendent, voire l’impossibilité d’obtenir un acte de naissance français pour leurs enfants.
C'est la raison pour laquelle, ayant connaissance des situations conflictuelles que cela génère et de l'imbroglio sentimental et juridique dans lequel de telles situations peuvent mettre les couples, je lance le sujet.
Je vous laisse commenter et relayer ces informations pour l'information du plus grand nombre.
+ Elisa Viganotti