Lecture Challenge... XIX°. #1

Voici mon premier article pour le Challenge de NetherfieldPark dont le thème est le XIX° siècle.

 
Le premier livre choisi est .........De l'autre côté du miroir de Lewis Carroll.

Introduction

Pourquoi ce roman? Parce que j'ai toujours adoré l'univers d'Alice aux Pays des Merveilles, le personnage d'Alice et ce thème qu'on retrouve souvent en littérature: le miroir. (d'où le nom du blog...)De l'autre côté du miroir est la suite des aventures d'Alice qui représente le monde onirique, l'inconscient qui commence à "turlupiner" les auteurs de l'époque. Lewis Carroll est un précurseur du mouvement moderniste anglo-saxon. (Le modernisme français est quelque peu différent...)
 

I. Le modernisme

Le modernisme s'est beaucoup inspiré des théories de Freud, du monde de l'inconscient et de toutes les  manifestations psychiques qui ne sont pas contrôlées. On peut voir que Carroll ouvre la marche avec sa saga: Alice aux pays des Merveilles et De l'autre côté du miroir qui montrent le monde du rêve, les moments où l'être humain lâche prise.Le modernisme c'est aussi l'attachement aux symboles forts: dans ce conte, on voit Alice osciller entre deux couleurs prédominantes: le blanc et le rouge. La reine Blanche et la reine Rouge, on a également le jeu d'échecs qui montre bien une opposition chromatique. Alice est aussi à la frontière entre deux univers: celui de l'enfance, de la candeur et de la pureté et celui de l'adolescence viciée. Alice devient alors un double du Petit Chaperon Rouge. Alice ne rencontre pas un loup, mais un chat, avatar du diable. Dans l'un et l'autre cas, Alice et sa cousine L.P.C.R seront face au Mal (et au mâle).  Alice est également la cousine de Wendy dans Peter Pan qui, à un moment, doit laisser de côté ses imaginations, ses rêves, ses fantasmes, pour intégrer le monde concret de l'adulte. Quelle famille...La phrase de Carroll, reprise maintes et maintes fois par les modernistes "Let's pretend" illustre tout à fait le propos. Let's pretend: faisons semblant...  Comme les enfants le manifestent dans les cours de récréation ou à la maison quand ils s'amusent: "on dirait que toi tu étais ceci, et que moi...." Let's pretend...  Jusqu'au jour où on ne prétend plus être telle ou telle personne, on ne joue plus, on vit.
 
 
 

La question demeure toujours de traverser le miroir, de passer dans la maison de l’autre côté, c’est-à-dire d’entrer dans ce monde qui m’est interdit. Let’s pretend… et je suis déjà au-delà des apparences, je suis déjà tout le reste, comme est la neige à la maison de ce côté-ci du miroir. » Aragon, La Mise à mort.

 

II. Un monde inversé

Le miroir est un moyen de refléter le réel. Cependant, cette réflexion est inversée. Un peu à l'image de la symétrie axiale. Cette inversion des valeurs est omniprésente dans le court récit de Carroll. On a la représentation de notre monde à l'envers. L'envers et l'endroit s'influent l'un l'autre, se génèrent, s'entrecroisent et on ne sait plus démêler le vrai du faux, l'imaginaire du réel comme dans un rêve. Effectivement, quand nous rêvons, à aucun moment nous savons que nous rêvons, nous vivons nos rêves la nuit comme nous vivons notre vie le jour. Il n'y a  que lorsque l'éveil nous rappelle à l'ordre que l'on peut retracer la frontière entre ces mondes ressemblants.Alice traverse le miroir de différentes façons: elle passe du monde de la conscience au monde de l'inconscience, du monde réel au monde fictif. Le livre est aussi un miroir où Alice se retrouve coincé et se trouve transformée en personnage de fiction. Alice traverse le miroir et pénètre dans le monde inversé qui s’y reflète, où les éléments s’animent, et les aventures qui se déroulent sont incohérentes, et contraires à notre raison.

III. Le nonsense et la théorie du langage.

Lewis Carroll a développé la théorie du nonsense. Le nonsense à l'époque de notre auteur est à rapprocher de l'absurde et du grotesque de Jarry: les jeux sur le langage qui montrent l'aspect loufoque de la langue, les calembours qui servent à faire rire. On trouve tout cela dans notre roman. Ce nonsense est aussi caractéristique de l'inversion des valeurs entre la logique et l'illogique, le sensé et l'absurde. On voit bien à un moment donné que sont insérées des chansons, des poèmes sans queue ni tête. Le langage est transformé: on comprend le sens par logique et déduction bien que les mots ne soient pas énoncés, ou aient connu une transformation. une fois encore, Carroll est en avance sur son temps: il anticipe les jeu surréalistes et la révolution linguistique et langagière des dadaïstes et des Surréalistes. [Monsieur André Breton me jetterait des pierres s'il lisait mon amalgame de ces deux courants. Donc je corrige : le dadaïsme a détruit et annihilé le langage alors que le Surréalisme l'a recrée...Je ne voudrais pas réveiller les morts... Let's pretend....) 

Conclusion

Si vous aimez Alice et son univers, lisez ce livre. C'est un conte: les enfants et adolescents s'amuseront avec les différents personnages ainsi que la dimension ludique qu'offre l'œuvre. Les adultes aimeront le côté métaphorique et la veine psychanalytique freudienne sous-jacente.J'ai trouvé que le film de Tim Burton s'inspirait davantage de Del'autre côté du miroir que d'Alice aux pays des merveilles. Quand il est question de la reine Blanche, difficile de ne pas repenser à Anne Hattaway dans le film. 

 […] cet auteur, au bout de dix pages d’une conversation avec un petit chat, amène Alice dans le monde qui est de l’autre côté du miroir. […] Alice demande au petit chat s’il sait jouer aux échecs… […] c’est par là qu’est introduite la grande leçon qui nous est donnée dans l’art du roman. Car tout ce livre inexplicable n’est qu’un art romanesque, s’en est-on jamais avisé ? Le romancier, c’est celui-là qui trouve naturel de demander aux petits chats s’ils jouent aux échecs. » (Aragon La Mise à mort)