Cela ne m'arrive pas souvent, de faire ainsi confiance à une seule
pochette de disque. Pourtant, celle-ci n'a rien de particulièrement
attrayante de prime abord. Mais l'omniprésence de noir, l'effet de
miroir du titre, la photo en négatif d'un couple caché derrières des
ronds blancs comme des boules disco m'ont malgré moi intrigués. A l'image de cette énigmatique pochette, j'imaginais volontiers un
univers sombre, comme une dernière danse au ralenti avant la fin. A
l'écoute dudit album, le mystère ne s'est pas dissipé : cela fait bien
longtemps que je n'ai pas entendu quelque chose d'aussi libre. Tout
semble pouvoir se produire dans cette musique-là, à l'instar de celle de
Brian Eno au milieu des années 70, principal lien de parenté qui me
vient à l'esprit. Au diable le formatage pop classique qui voudrait
couplet, pont, refrain, les chansons avancent à leur guise sans toujours
faire appel à la voix.
C'est un dénommé Alexis Georgopoulos qui a mis
ce "More" en musique, confectionnant une symphonie de poche, la bande originale d'un film
intimiste qui pourrait résonner durablement en chacun de nous. Comme
pour Hospital Ships, je me rends compte que les disques qui comptent
pour moi cet automne ne sont pas ceux que j'attendais le plus. La
période n'est déjà plus propice aux partages tous azimuts des
sempiternels tubes de masse. Non, on s'est replié chacun chez soi,
cherchant d'autres horizons plus intérieurs, espérant attraper en plein
vol une belle feuille que le vent aura bien voulu amener jusqu'au pas de
notre porte. Si seulement la saison pouvait nous envoyer d'autres
heureux hasards, cela suffirait à notre bonheur. "More", c'est tout ce
qu'on réclame.