Le "shutdown" américain donne la fièvre aux étatistes français
Publié le 2/10/2013
Ce que ce shutdown américain devrait provoquer chez nos incorrigibles gaulois étatistes, c’est une réflexion sur le degré d’intervention de l’État dans une société libre.
Un billet d'humeur de Nicolas Nilsen.
Les gens des médias adorent les trucs épiques qu’ils montent en épingle. Alors cette impasse budgétaire américaine est un grand moment d’hystérie pour eux. Je les entendais à la radio tout à l’heure, ils s’étouffaient d’indignation contre ces méchants républicains qui allaient "fermer le gouvernement américain". L’année dernière, rappelez-vous, ils nous avaient sorti leurs trémolos et donné le vertige devant la "falaise fiscale", et puis tout le monde à oublié… ils ont parlé d’autre chose… show must go on…
D’abord ce shutdown n’est pas un truc si nouveau que ça : depuis 1976, il y a déjà eu 18 shutdowns du gouvernement américain. 18 fois ! Et ils s’en sont remis. Faut pas paniquer comme ça les gars, c’est du billard politicien à Washington, pas la fin du monde ! Le dernier shutdown remonte à 1996, il y a 18 ans, et il avait duré 21 jours, donc pas de panique. La NSA continue à travailler...
Les gens que j’entendais à la radio s’indignaient parce que les parcs nationaux, les musées ou les zoos allaient fermer. Évidemment, si l’État s’occupe de tout, quand il ferme, tout s’arrête. Mais imaginez un peu que l’État justement ne s’occupe pas de tout : qu’il ne s’occupe que de ses grandes fonctions régaliennes, et que ce soit le secteur privé qui finance et gère les musées, et les zoos, et la plupart des services sociaux ou de soins. Ça marcherait aussi – et beaucoup mieux d’ailleurs comme le souligne tous les ans la Cour des Comptes dans ses rapports dévastateurs pour la gestion de l’État. Quand l’État s’en occupe vous trouvez sincèrement que c’est bien géré (pensez politique de la ville, immigration, placement des chômeurs, culture, etc.) ?
C’est ça qu’on n’arrive plus à imaginer aujourd’hui dans notre France bloquée idéologiquement dans le XIXe siècle. L’État a tellement envahi nos vies en voulant tout prendre en main, qu’il a été obligé d’organiser un véritable racket fiscal pour se financer. Détournant ainsi tout l’argent qui aurait dû normalement financer l’économie au lieu de financer l’État et sa grande bureaucratie. Depuis 1975, pas un budget n’a été voté en équilibre : pas un ! Et la dette a atteint des hauteurs d’Annapurna. L’État a voulu tout faire : créer des emplois, gérer la culture, faire marcher les trains, placer les chômeurs, s’occuper de la ville, etc. Et, comme chacun l’a vu, il l’a fait de plus en plus mal. Mais si on veut l’arrêter, il nous répond en s’indignant : "ah mais vous ne pouvez pas, sinon tout va s’arrêter !" Tu parles ! En Belgique, il leur arrive de ne pas avoir de gouvernement pendant des mois et des mois : fin 2010, ça a duré... 541 jours ! Entre temps l’équipe en place n’a pu qu’expédier les affaires courantes (mon rêve pour un gouvernement) et – même sans gouvernement – il y avait à manger dans les restaurants, du kitkat dans les grandes surfaces et des films dans les cinémas.
En France, avant que l’oppression fiscale ne ponctionne la majorité des revenus des Français, le gouvernement ne se mêlait pas de tout. Et figurez-vous qu’il y avait des écoles, et des dentistes, et des cordonniers, et des taxis, et des restaurants, et des infirmières, et des centres de soins, et des cinémas et – oui, il y avait même des routes pensez donc.
Ce que ce shutdown américain devrait provoquer chez nos incorrigibles gaulois (étatistes, colbertistes, interventionnistes, keynésiens), c’est donc une réflexion sur le degré d’intervention de l’État dans une société libre. Il n’y a pas de raisons que l’État se mèle de tout. Il n’y a pas de raison qu’il distribue le courrier et pourtant, rappelez-vous, la CGT avait fait trembler la France quand on proposait de privatiser la poste ! Aujourd’hui, l’État veut encore être le grand distributeur public de primes et d’allocations en tout genre. Il ne le peut plus et il doit arrêter.
Il faudrait que les gouvernements s’habituent à faire uniquement ce pour quoi ils sont fait : les missions régaliennes. Cela concerne, de façon limitative, la défense, la diplomatie, l’éducation [1]. La télé également : sous le Général de Gaulle elle était nationalisée. Aujourd’hui on trouve normal que l’audiovisuel échappe à l’État (pas encore complètement malheureusement). Et les Filippetti et Pellerin n’ont pas à décider ce que des citoyens libres pourraient faire.
Il y en a pourtant encore beaucoup qui pensent que l’État n’en fait pas assez et que ce serait mieux si les boulangeries et les cafés aussi étaient gérés par l’État. Mais bon, ce n’est pas le cas et c’est très bien ainsi. Comme ça, s’il y a un shutdown de l’État français, je pourrai encore aller prendre mon café au coin de la rue. Et comme Google n’est pas encore étatisé, je pourrais encore me connecter à internet.
À force de vouloir se mêler de tout sans en avoir les moyens, notre État-providence ne pourra bientôt plus faire face à ses engagements et ses obligations. Il a organisé un système à la Madoff – genre chaîne ou pyramide de Ponzi qui finira par nous exploser à la figure. C’est pour ça que j’adore ce shutdown américain : il va peut-être faire réfléchir les citoyens sur le bienfondé de l’intervention massive de l’État dans tous les secteurs. J’en doute car tous les médias sont pro-étatistes, forcément, mais on peut toujours rêver.
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Sur le web.
Note :
- Je mets l'éducation dans la liste mais en fait, plus ça va et plus je pense que même l’éducation devrait lui échapper : il l’a trop mal gérée et, si j’avais des enfants, je les enverrais sans la moindre hésitation dans une école privée. ↩
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