Corporatisme et torpillage du marché du livre
Publié le 2/10/2013
Après la grande distribution, Amazon et ses confrères sont maintenant les boucs-émissaires favoris de politiciens bobos qui ont décidé de maintenir en vie leurs librairies de quartier sur le dos du pouvoir d’achat du reste de la population.
Par K.
L’excuse officielle derrière cette énième réglementation d’un secteur déjà bien corseté vise apparemment à sauver certaines des 2500 librairies indépendantes de la faillite. Noble objectif, mais qui nécessite pour se faire de léser nombre de plateformes en ligne et surtout 65 millions de consommateurs. Mais bon, apparemment cela ne semble pas être le souci premier de nos décideurs.
Curieusement, l’hécatombe dans le secteur du livre ne date pas d’Amazon, il faut dire que nos politiciens avaient pris soin de rendre la vente de livres complètement inflexible dès 1981 en imposant un Prix Unique du Livre. Concrètement, cela consiste à empêcher un libraire d’accorder un rabais trop important sur un article et donc à maintenir les livres à des prix plus élevés que dans bien d’autres pays européens. Si cette loi a bien sûr enquiquiné la grande distribution, comme escompté, en l’empêchant de faire de gros rabais sur les best-sellers comme partout ailleurs dans le monde, le retour de bâton corporatiste a été bien violent pour nos libraires indépendants avec à la clé une impossibilité de liquider leurs stocks invendus efficacement et surtout une perte de clientèle massive liée au prix planchers imposés.
Comme toujours en France, n’importe qu’elle corporation bien connectée peut se tirer d’une perspective économique fâcheuse en allant quémander auprès de l’État. Et c’est ainsi, que le secteur du livre et de l’édition fut placé sous perfusion étatique avec 18 millions d’euros alloués et la nomination d’un médiateur du livre (juste un médiateur, même pas une commission du livre, c’est vraiment trop l’austérité en ce moment !).
Vous l’aurez compris, après la grande distribution, Amazon et ses confrères sont maintenant les boucs-émissaires favoris de politiciens bobos qui ont décidé de maintenir en vie leurs librairies de quartier sur le dos du pouvoir d’achat du reste de la population. N’est-il pas cocasse de voir la Ministre de la Culture défendant une loi visant à rendre plus cher et plus difficile l’accès aux ouvrages et en particulier pour ceux qui résident à la campagne ? Voilà une politique culturelle bien singulière ! Sûrement ce qu’on appelle « l’exception culturelle » rue de Valois…
Cerise sur le gâteau bien-sûr, le torpillage d’Amazon & Co n’apportera aucun répit de longue durée à nos libraires indépendants. En effet, Amazon réalise 70% de ces ventes sur des ouvrages de plus d’un an et ne représente que 10% du marché du livre (à comparer avec les 20% des grandes surfaces alimentaires par exemple). Bref, Amazon offre en réalité un service très pratique et complémentaire des circuits de distribution classique en permettant à des millions de personnes à travers le monde d’accéder à des ouvrages bien spécifiques qu’ils auraient difficilement pu obtenir ailleurs ou qu’ils ne s’auraient pas donné la peine de chercher le plus souvent. Autant le dire tout de suite, les ventes perdues par Amazon n’iront que marginalement bénéficier aux autres acteurs du marché.
La situation est encore moins rose pour les éditeurs qui perdront gros si le seul marché en croissance dans le secteur du livre – la vente en ligne – se casse la figure. Pas de chance, les pauvres étaient déjà sous perfusion étatique, rappelez-vous.
Enfin, si Amazon n’a pas le droit de livrer un article gratuitement, gageons que nos parlementaires interdiront bientôt aux chaînes comme la Fnac de fournir des livraisons en magasin gratuites au client, histoire de refermer une bonne fois pour toutes le cercueil sur un secteur du livre qui a eu la mauvaise idée de se trouver un relai de croissance dans le XXIème siècle.
Visiblement, nos politiques aiment les livres à la façon d’un pompier dans Fahrenheit 451. Prenons le pari que cette nouvelle intervention sur un marché déjà mal en point anéantira l’avenir du livre en France plus efficacement qu’un programme national socialiste d’autodafé.
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