En vérité, Charlie Banks n'est pas vraiment le héros du film parce que c'est un personnage assez fade à côté du perturbant Mick Leary. D'un autre côté, il est très facile de s'identifier à cet étudiant un peu paumé mais bien entouré par une bande d'amis légèrement fous. Charlie Banks peut être n'importe qui. Il n'est pas spécialement intéressant, beau ou intelligent. C'est juste un jeune homme quelconque et ce film est pour lui ce que L'Education Sentimentale est à Frédéric Moreau. Il est donc assez passif et il n'existe que pour donner un point de vue à l'histoire. Comme vous avez pu le comprendre, le véritable héros - antihéros même, si je veux être plus précise - est Mick Leary, personnage que j'ai adoré à cause de sa complexité. Car une fois n'est pas coutume, les personnages sont vraiment réussis. Sans eux, il n'y aurait pas de film. Mais revenons-en à Mick Leary. Mick est un jeune homme ambivalent, à la fois charmant et charmeur, violent et sadique. La dernière image que Charlie garde de lui (et par conséquent, le spectateur) est celle d'un fou qui défonce le crâne d'un pauvre type et contre lequel il a témoigné au poste de police. Charlie est donc terrifié par son apparition à l'Université, persuadé que Mick a découvert qu'il est celui qui l'a balancé et qu'il est venu se venger. Contre toute attente, il se trouve nez à nez avec un jeune homme qui paraît sympathique, gentil, ouvert et presque naïf. Fréquenter les étudiants permet à Mick d'envisager une nouvelle vie. Mais est-il vraiment sincère? C'est visiblement la question que se pose Charlie, et le spectateur avec lui. Elle nous obsède pendant tout le film et j'ai vraiment été fascinée par ce personnage parce que je n'arrivais pas à le cerner.
Du coup, le reste n'a pas vraiment d'importance. J'étais tellement concentrée sur la compréhension de la personnalité de Mick Leary que je n'ai pas fait attention ni à la réalisation, ni à la musique ou quoi que ce soit d'autre. L'action se passe dans les années 1970 je crois, mais cela ne se remarque pas beaucoup puisque le propos est intemporel. En ce qui concerne les interprètes, celui qui tire la couverture à lui est évidemment Jason Ritter, à la fois inquiétant et charmant en toute sobriété. Je ne suis pas convaincue par Jesse Eisenberg que je trouve assez transparent mais d'un autre côté, Charlie Banks n'est pas quelqu'un de remarquable. Eva Amurri complète intelligemment ce duo masculin et elle n'a même pas réussi à m'agacer. Tous trois forment un triangle amoureux classique. Evidemment, les deux garçons sont attirés par la même fille. Mais la relation Charlie/ Mick est bien plus intéressante car elle est plus ambiguë. Charlie a peur de Mick et il n'arrive pas à lui faire confiance, et pourtant, on sent chez lui de l'admiration et une envie de l'aimer malgré tout. Quant à Mick, je me suis demandé s'il n'était pas un peu amoureux de Charlie (si un gars en slip rouge se met à sentir le pantalon d'un autre gars, je pense que je suis en droit de me poser des questions.) et peut être que cet aspect de leur relation aurait pu être un peu plus creusé. Sauf si j'ai compris de travers (ça ne serait pas la première fois).
L'Education de Charlie Banks n'est peut être pas un film exceptionnel mais il est de bonne facture et vaut le coup d'oeil rien que pour Mick Leary. Personnellement, il m'inspire beaucoup, littérairement parlant. D'ailleurs, puisque j'évoque la littérature, j'ai également apprécié l'évocation de The Great Gatsby. Un des personnages fait remarquer que savoir qu'un drame va se produire donne plus de force au livre ; ce qui est à mettre en parallèle avec le film. Gatsby est-il bon ou mauvais? De même Mick est-il capable de se racheter ou non? Si vous voulez une réponse, vous savez ce qu'il vous reste à faire...