Cela fait écho au reportage qu'Arte va proposer ce soir. Comment vivre dans cette société, sans s'en exclure pour autant, mais autrement. Comment vivre avec le progrès sans être écrasé par lui. En voilà une question qu'elle est bonne !
Déjà, je pense qu'il faut commencer par supprimer les villes. D'ailleurs, je compte lancer une pétition internationale dans ce sens... Je plaisante, bien entendu, mais je vérifie chaque jour, par comparaison avec l'une de mes vies d'avant (ça fait vieux sage aux cheveux blancs !), que la mégalopole n'est pas une dimension humaine. J'entends par là que les grandes agglomérations, les villes tentaculaires et polluées, bruyantes, ne sont pas du tout adaptées au rythme du corps humain. Car comment se sentir bien, entouré de millions de gens inconnus, dans un environnement hostile, en suivant un rythme effréné ? Evidemment, on peut se rassembler en communautés (plus en familles, elles sont géographiquement dispersées depuis longtemps), en groupes, en clans, mais c'est toujours une façade, car, le soir, ou même au cœur de la journée, on se retrouve terriblement seul. Sans parler des voitures, des usines, des embouteillages et des trains bondés, des bus surchargés qui font que nous sommes toujours en retard, toujours à cran, emmitouflés dans nos armures.
Je viens de lire un passage en rapport avec le sujet dans un livre sur la méditation, et l'exercice qui nous est proposé illustre tout à fait le genre de questions qui amènent certaines personnes à quitter la ville pour aller vivre à la campagne, dans un village ou du moins dans une petite ville :
"Est-ce que je me sens bien chez moi, détendu ?
- Comment est la santé des habitants de ce lieu ?
- Est-ce que je dors bien ?
- Est-ce qu'il y a suffisamment de lumière ? Qu'en est-il du bruit ?
- Comment est l'environnement extérieur immédiat ? La nature est-elle présente ou proche ?"
D'ailleurs, c'est cette notion de nature sur laquelle insistent les gens qui quittent la ville. Le béton, c'est bien joli mais ça ne nourrit pas son homme ! Le livre indique que chacun doit pouvoir avoir l'opportunité d'être en contact de manière quotidienne avec la nature. Et, attention, il ne s'agit pas là d'une lubie de bobo ou une invention d'un illuminé fumeur de shit tout droit sorti d'un ashram indien. Non. Il est vérifiable, avéré, que le contact répété avec la nature nourrit le corps, apaise l'esprit et vice versa. C'est une question d'équilibre.
Et je rebondis là-dessus, moi qui vis dans une petite ville de 4000 habitants depuis peu, au bord d'une rivière, entourée d'arbres et ayant pour seuls voisins immédiats les canards... Ce n'est pas une caricature : les gens sont plus souriants, plus abordables. Les contacts se nouent beaucoup plus rapidement, sans cette maudite réticence qu'ont les parisiens qui font trois pas en arrière quand on leur demande l'heure dans la rue ou dans le métro. Les enfants dans les écoles sont plus détendus, moins stressés. Et le rythme n'a absolument rien à voir avec celui d'une grande cité. Tout est proche, les produits de la terre sont à portée de main, donc on s'alimente mieux, donc on tombe moins malade, donc on se sent mieux. Pas de queues interminables, pas de circulation insensée. On a l'espace, donc on a le temps. Cela semble mathématiquement absurde, mais c'est vrai.
Ensuite, il y a cette autre idée, toujours dans ce livre passionnant, selon laquelle chacun est réceptif à des environnements différents. Et c'est là que le concept me parle vraiment. En effet, partant du fait que chaque être humain possède en lui des énergies particulières, on affirme que, de même, chaque lieu porte lui aussi des énergies particulières. Ainsi, certains se sentiront mieux en forêt, entourés d'arbres centenaires auxquels s'adosser. D'autres rechargeront leurs batteries au rythme du ressac de l'océan, en respirant l'air iodé. D'autres, enfin, se sentiront en complémentarité avec la montagne. Assis sur le granit, le regard vers l'horizon et le vent dans les oreilles, ils sentiront en eux la confluence des énergies du lieu avec leurs propres vibrations internes. Du coup, je me sens moins coupable de ne pas "aimer" la forêt, de ne rien y ressentir de vraiment spécial. Par contre, le fait de retourner à la montagne est quelque chose de non négociable, comme le fait de manger ou de boire, et habiter près d'un cours d'eau, fleuve ou petite rivière, fait aussi partie des caractéristiques que je recherche pour m'établir.
Ce qui est sûr, c'est que le monde tel qu'il est, donnant la priorité au développement des villes immenses et surpeuplées, au progrès sans concession et à la croissance sans limites et sans pitié, ce monde-là n'est pas celui que je recherche. Plus encore, c'est tout le contraire de ce que nous devons faire, et ce discours n'est maintenant plus considéré comme une hérésie. Petit à petit, on comprend, on affirme que l'avenir, c'est le retour à des dimensions plus humaines, à un rythme plus lent, à un contact plus immédiat avec la nature.