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Pour lire le rapport d'Amnesty International : Condamnés à l'errance. Les expulsions forcées de Roms en France
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CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Un an après la publication de la circulaire du 26 août 2012, Amnesty International constate que les personnes roms continuent à être victimes d’expulsions forcées, en violation des dispositions du droit international relatif aux droits humains. Les réponses apportées par le gouvernement français continuent à être insuffisantes pour protéger les Roms migrants contre cette pratique.
Par ailleurs, le nombre des expulsions est en augmentation, et des records ont été atteints pour l’année 2012 et l’été 2013.
La circulaire du 26 août n’interdit pas la pratique des expulsions forcées, et dans les faits, plus d’un an après sa publication, force est de constater qu’elle n’a pas empêché leur poursuite. Les ordonnances d’expulsion sont toujours mises en œuvre, nonobstant la volonté et les capacités à appliquer les instructions de la circulaire interministérielle. Or le respect des décisions de justice n’est pas incompatible avec le respect des droits humains des Roms migrants vivant dans des campements informels.
De nombreuses associations et autorités administratives indépendantes ont dénoncé l’application jusqu’à présent inadéquate et hétérogène de la circulaire d’août 2012. En effet, ce document n’a pas force de loi et les préfets sont libres de l’appliquer ou non. Ce caractère discrétionnaire a de lourdes conséquences sur la vie des Roms migrants, dont le traitement dans le cadre d’opérations d’évacuation varie selon les départements. En effet, Amnesty International a constaté un contraste important quant à la conformité aux normes internationales lors d’évacuations de campements informels dans les agglomérations de Lille et Lyon, ce qui démontre que la circulaire du 26 août 2012 ne protège pas les personnes concernées de façon adéquate. La mise en place de garanties explicites et contraignantes contre la pratique des expulsions forcées est nécessaire et urgente.
D’autre part, les recommandations élaborées par la DIHAL au sujet des opérations d’évacuation ne sont pas prescriptives non plus, et sur le terrain elles sont appliquées de manière très inégale. Amnesty International salue le volontarisme et le sérieux du travail effectué par le préfet Alain Régnier et son équipe. Certains exemples positifs en matière d’accompagnement témoignent de la possibilité de trouver des solutions d’insertion viables. Cependant le manque de poids politique et de pouvoir de contrainte de la DIHAL limite sa capacité d’action contre les expulsions forcées, et les projets d’accompagnement et d’intégration qu’elle préconise entrent en contradiction avec la volonté d’exécuter les décisions d’évacuation implacablement. Dans une interview le 8 avril 2013, le préfet Alain Régnier exprime le regret que les évacuations à répétition interrompent les processus d’intégration et représentent parfois une perte de temps, d’énergie et d’investissement social
Amnesty International reconnaît les efforts fournis par certaines autorités locales lors d’opérations d’évacuation depuis la publication de la circulaire d’août 2012. Cependant le respect des droits des Roms migrants ne doit pas dépendre de la bonne volonté de certains préfets et élus locaux, il s’agit d’une obligation incombant à l’État français. Amnesty International rejoint les recommandations du Défenseur des droits dans son bilan d’application de la circulaire, et exhorte le ministre de l’Intérieur à rappeler à tous les préfets que les opérations d’évacuation doivent être effectuées en conformité avec les normes du droit international relatif aux droits humains.
Amnesty International regrette le manque de volonté politique du gouvernement et les propos de certains membres du gouvernement qui perpétuent les clichés et attisent les réactions d’animosité et de rejet. Le 14 mars 2013, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a déclaré lors d’interviews parues dans la presse écrite « (…) hélas, les occupants de campements ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu'ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution », et que les familles désireuses de s’intégrer « sont une minorité ».
Les engagements internationaux pris par la France l’obligent à assurer le plein exercice des droits qu’elle s’est engagée à garantir, au maximum de ses ressources disponibles et sans discrimination aucune. Les autorités françaises doivent prendre des mesures immédiates et contraignantes pour mettre un terme aux expulsions forcées. Plus que jamais au regard de l’actuel climat d’hostilité envers les populations roms et à l’approche des élections municipales de mars 2014, Amnesty International renouvelle son appel au gouvernement de François Hollande à réellement démontrer son engagement pour le respect des droits humains des populations roms en France.
RECOMMANDATIONS Au gouvernement français
- Mettre en place des garanties effectives contre la pratique des expulsions forcées ;
- Enjoindre aux préfets d'appliquer la circulaire du 26 août 2012 et amender cette dernière afin qu’elle inclue les mesures de protection suivantes :
• s’assurer que personne ne soit rendu sans abri à la suite de toute évacuation de campement informel et proposer des solutions d’hébergement et de relogement convenables à tous les habitants plusieurs jours avant le début de l’opération d’évacuation,
• interdire les évacuations durant la trêve hivernale,
• s’assurer qu’une véritable consultation ait lieu avec les personnes concernées, et qu’elles puissent elles-mêmes proposer des solutions alternatives,
• s’assurer que les personnes concernées reçoivent des informations suffisantes sur l’opération d’évacuation dans un délai raisonnable ;
Garantir l’accès aux services essentiels de base pour la dignité des personnes habitant dans des campements informels, comme l’approvisionnement en eau, le ramassage des ordures et l’accès à des installations sanitaires suffisantes ;
Garantir l’accès et la continuité des droits à l’éducation et à la santé.