Souvenez-vous : entre l’automne 2002 et le printemps 2005, la Municipalité de Lausanne a organisé la démarche participative Quartiers 21. Dans ce cadre, 950 habitant- e-s de la ville se sont réunis et ont formulé 170 propositions.
Après les ateliers dits «d’innovation», 110 personnes ont participé aux conférences dites «de consensus», afin d’extraire la quintessence des propositions initiales. Ce sont ensuite les Services de la ville qui ont procédé à des études de faisabilité des projets retenus et ont établi un programme d’action.
De tout cela, il est sorti 37 projets, répertoriés dans la brochure Quartiers 21 – La parole aux habitants et soumis au Conseil communal, qui les a acceptés. Une page de cette brochure porte en lettres capitales de grande taille la philosophie de la démarche :
Donner la parole à tous les habitants, y compris ceux qui ont peu d’expérience avec les processus politiques, les inviter à dessiner ensemble l’avenir pour améliorer la qualité de vie, les rassembler autour de projets sur leurs quartiers et leur ville, instaurer un dialogue entre les autorités, l’administration et la population, tels sont les buts de la démarche participative Quartiers 21.
Quelques années plus tard, au printemps 2008, la Municipalité a, si l’on peut dire, évolué. Elle vient d’imposer, coup sur coup, deux de ses projets de législature. La Métamorphose de Lausanne, avec ses points non-négociables comme la destruction du stade de la Pontaise, l’édification d’un écoquartier sur le plateau de la Blécherette, l’érection d’un stade et d’une piscine enrobés de surfaces commerciales. Le City management constitue le deuxième acte péremptoire de la Municipalité : une taxe imposée aux commerçants destinée à faire de Lausanne un centre commercial à ciel ouvert.
Dans les deux cas, de nombreuses voix s’élèvent, s’interrogent et remettent en question les choix municipaux. La Municipalité n’entend pas ces voix. Elle ne les écoute même pas. Pire, le Syndic, Daniel Brélaz, discrédite celles et ceux qui ont le malheur de discuter ses options : ce sont des rétrogrades, des nostalgiques d’un passé révolu, des septuagénaires mélancoliques, des poujadistes, des Neinsager, des fondamentalistes. Bref des vieilles badernes égoïstes empêcheuses de diriger en rond.
Voilà, comment la Municipalité de Lausanne est passée de la démarche participative de Quartiers 21 à la politique du forceps.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner si la Municipalité se prend deux initiatives populaires «dans les gencives». Deux initiatives qui sont les premières de l’histoire de la capitale vaudoise et qui visent à rappeler aux magistrats lausannois qu’ils se sont engagés, un jour, à discuter leurs choix avec l’ensemble de la population. Deux initiatives qui devraient donner, enfin, la parole aux habitants sur des sujets aussi importants que l’urbanisme et le commerce en ville.
Deux initiatives qui feront, peut-être, réfléchir la «Municipauté», confortablement installée sur ses certitudes et insensible aux bruits des Quartiers … 21.
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N. B. Ce billet a été publié dans la rubrique «Réflexions» de l’édition du 3 mai 2008 du quotidien 24 Heures.