La croissance de l’emploi ralentie par les progrès de l’informatique?

Publié le 01 octobre 2013 par Pnordey @latelier

Si depuis Schumpeter le processus de destruction créatrice liée à l’apparition de nouvelles techniques éclipsant parfois des pans entiers de l’économie nous est familier, deux chercheurs du MIT en radicalisent la portée en étudiant les conséquences sur l’emploi de l’essor de l’informatique. Le postulat de Brynjolfsson et McAfee est d’autant plus troublant qu’il affirme que la destruction d’emplois entrainée par la robotique et le développement de logiciels est supérieure à la création d’emplois en retour, il existe un déséquilibre négatif entre les deux dynamiques. En somme le phénomène de déversement d’un secteur à l’autre théorisé par Alfred Sauvy décrivant le transfert d’emplois d’un secteur à l’autre suite à l’émergence de nouvelles techniques ne se vérifie plus aujourd’hui. Ce phénomène s’il s’avérait être durable pourrait conduire à l’émergence d’un nouveau luddisme idéologiquement opposé à un progrès technique destructeur d’emplois.

Une hausse de la productivité associée à une destruction d’emplois conséquente

Les deux économistes pointent la conjonction de deux tendances, selon eux liées, d’une part la hausse de la productivité américaine et d’autre part la destruction continue d’emplois sur la même période coïncidant avec l’essor des techniques liées à l’informatique (robotique, API, Big Data etc). La dégradation du marché de l’emploi américain et dans la plupart des pays développés est marquée : Alors que la croissance du nombre d’emplois aux Etats-Unis se situait aux alentours de 20% depuis la fin des années 1970, la décennie 2000 a vu le marché de l’emploi se contracter de 1%. Comme le résume l’un des auteurs de l’étude, Brynjolfsson : « C’est le grand paradoxe de notre temps, la productivité atteint des niveaux records mais dans le même temps le salaire médian est en chute et l’emploi se contracte. »  Selon Brian Arthur, ancien professeur d’économie à Stanford, l’on assiste à l’émergence d’une « économie autonome » où des processus digitaux communiquent entre eux pour donner naissance à de nouveaux processus, réduisant ainsi la centralité du travailleur humain dans la chaine de production et de décision.

Un nouveau paradigme nécessitant une formation adaptée

L’un des facteurs d’explication pointés par les chercheurs est le manque de formation nécessaire pour préparer la transition vers des emplois plus axés sur les nouvelles technologies et nécessitant un profil adapté. On assiste à une polarisation entre la progression d’emplois mieux rémunérés nécessitant toujours une réflexion créative et une capacité à résoudre des problèmes complexes et le besoin tout autant croissant en emplois très peu qualifiés, la classe moyenne incluant des travailleurs effectuant des tâches administratives notamment disparaît peu à peu. Ainsi un développeur d’application permettant de remplir automatiquement une fiche d’impôt peut soudainement voir ses revenus tripler lorsque dans le même temps des milliers de comptables fiscalistes sont  defait mis au chômage. On assiste à l’émergence d’une nouvelle classe de « digital losers » ne bénéficiant pas de la même facilité d’accès aux opportunités digitales. Cependant alors que les robots industriels sont simplifiés pour renforcer leur sécurité et leur maniabilité, l’usine, elle, est appelée à se transformer en lieu de travail hybride avec plus de collaboration entre humains et machines. Certaines tâches demeurent exclusivement réalisables par des humains, comme l’explique John Leonard professeur en ingénierie du MIT : « Les humains et les robots travaillent plus efficacement ensemble que séparément, les robots seuls ne peuvent entièrement remplacer les robots. » L’éducation et la formation sont donc deux éléments devant être renforcés et reconfigurés pour partager plus équitablement les gains en productivité de cette transition digitale.