Très beau portrait de femme (De battre, mon cœur…)

Par Borokoff

A propos de Blue Jasmine de Woody Allen 

Cate Blanchett

Aux Etats-Unis, Jasmine (Cate Blanchett) est une quadragénaire séduisante et élégante. Mais c’est surtout une femme seule et déprimée depuis qu’elle a découvert que feu son mari (Alec Baldwin) était un imposteur, à la fois volage et passé maître dans l’arnaque financière. Ruinée et désœuvrée, Jasmine décide alors de traverser le pays pour s’installer à San Francisco, chez sa sœur d’adoption Ginger (Sally Hakins) avec qui elle entretient des rapports courtois mais distants du fait de l’écart entre leurs personnalités, entre leurs modes de vie et leur classe sociale. Très vite, les relations entre les deux femmes se tendent, se compliquent et s’enveniment, Jasmine ayant du mal à supporter les petits copains « losers » de Ginger qu’elle se permet de juger tout haut…

Cate Blanchett, Alec Baldwin

Voilà le portrait d’une femme au caractère bien trempé comme on n’en avait pas vu depuis longtemps au cinéma, depuis peut-être De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites de Paul Newman (1972) avec Joanne Woodward, Alice n’est plus ici (1974) de Martin Scorsese avec Ellen Burstyn ou encore Gloria (1980) de Cassavetes avec Gena Rowlands.

Portrait de femme à la fois forte et fragile, courageuse et énergique, classe mais à bout de nerfs, Blue Jasmine est porté par une Cate Blanchett exceptionnelle, bien épaulée, il est vrai, par l’inénarrable Sally Hawkins, qui campe une caissière de supermarché drôle et fantasque, collectionneuse de « boyfriends » en tout genre, avec une préférence pour le genre « foireux » quand même.

Du charisme, il en faut pour la jeune veuve détruite psychologiquement et qui n’en finit pas de traverser des déserts, d’affronter des tempêtes, bref de s’en prendre « plein la gueule ». Le film est habilement construit en flashs-backs ou plutôt en allers-retours constants entre un passé encore très frais et récent pour Jasmine qui lui rappelle cruellement l’opulence et la richesse dans laquelle elle vivait et un présent déprimant, qui la ramène à sa dégringolade sociale et à sa grande difficulté à se rattacher à quelqu’un ou à quelque chose de tangible dans sa chute. Ces flashs-backs comme les monologues de Jasmine donnent au film la forme d’un songe ou plutôt d’un cauchemar vécu par la quadragénaire. Un cauchemar dans lequel elle serait enfermée et dont elle serait incapable de se dépêtrer, entre un passé traumatisant et infiniment douloureux et un présent synonyme de montagne infranchissable.

Dans le rôle de l’escroc qu’était son mari (clin d’œil à la figure de Bernard Madoff), on retrouve avec plaisir Alec Baldwin, chantre de la séduction au sourire aussi dévastateur que ses innombrables infidélités et autres arnaques.

Mais revenons à nos moutons, et à ce qui fait le charme et la réussite de Blue Jasmine, film très sombre derrière l’humour typiquement woodyallien, tout en cynisme et en (auto)dérision qu’incarne le personnage de Cate Blanchett. Si l’on a évoqué l’énergie prodigieuse déployée par l’actrice américaine, il faut saluer la mise en scène enlevée de Woody Allen, et sa belle inspiration sur ce coup-là. Certes, la différence de milieu social et les mondes opposés dans lesquels vivent Jasmine et sa sœur sont dépeints de manière un peu caricaturale et simpliste, mais ce n’est pas ce que l’on retiendra le plus d’un film qui séduit davantage par son sens du rythme (auquel les désormais traditionnelles compositions jazzy de la BO ne sont pas étrangères), par la tension de sa mise en scène et l’exceptionnelle prestation, encore une fois, de son actrice principale (je sais, on l’a déjà écrit deux fois)…

La bonne pioche de la semaine donc avec Les Conquérants

http://www.youtube.com/watch?v=UgJ_2npexd4

Film américain de Woody Allen avec Alec Baldwin, Cate Blanchett, Louis C.K., Bobby Cannavale, Andrew Dice Clay, Sally Hawkins, Peter Sarsgaard, Michael Stuhlbarg… (01 h 38) 

Scénario de Woody Allen : 

Mise en scène : 

Acteurs : 

Compositions :