Que ceux qui ne connaissent pas encore Jean Vautrin, écrivain, cinéaste, réparent cet « oubli » au plus vite. Fameux auteur de polars, « A bulletins rouges », « Groom », « Canicule », l’homme sait raconter comme personne les vies déboussolées, cabossées des loosers, des truands et des révoltés de tous poils.
Aujourd’hui, c’est l’un de ses beaux romans, « L’homme qui assassinait sa vie » ( publié en 2001 chez Fayard) qui fait l’objet d’une adaptation BD par Moynot. Un déjà familier du polar avec des Nestor Burma d’après Léo Malet. On ne vous dira pas tout ici de l’histoire tourmentée de François-Frédéric-Fey, dit F.F.F., le héros de cette histoire complètement folle. Après un séjour de trois ans en prison ( abus de biens sociaux et fausses factures ) le voilà qui cherche à refaire sa vie. A quelques pas de lui, dans la région bordelaise, Gus Carape, un enquêteur privé, attend en vain le client et l’affaire qui vont le sortir de la galère financière. Un peu plus loin, un flic sans illusions, le commissaire Kowalski surveille les entrepôts Moralès, dont on soupçonne les patrons de se livrer à un trafic peu ragoûtant.
Drôle d’endroit pour une rencontre
Voilà pour les principaux personnages de ce roman graphique haut en couleurs. Leurs trajectoires vont finir par se croiser un jour du côté d’une autoroute entre Bordeaux et Toulouse. On découvrira alors un cadavre dans le coffre d’une voiture, un chien errant, une course poursuite, un autiste quadragénaire en fugue qui aime les touristes japonais…Dans ce polar déjanté parfaitement colorisé et découpé ( les noirs, les bleus nuit et les rouge sang s’y marient parfaitement) on joue aussi avec les poncifs du genre: un taulard en mal de vengeance, un détective raté, un flic et des politiciens pourris, des femmes esseulées en mal d’amour. Les personnages y jouent les durs, les désabusés, les petites frappes rêvant du gros coup. Même si le tout, comme le dit F.F.F., c’est bien de ne pas s’attacher.
« Ah, tu fais chier!V’là que j’m'attache!
Que je fais du sentiment!
Y’a rien de pire que les sentiments,
Si tu veux mon avis…
C’est toujours pareil! On boit à peine
Un coup ensemble qu’on se doit
Quelque chose. Et dès qu’on se doit
Quelque chose, ça devient la merde… »
- L’homme qui assassinait sa vie
- Dessin et adaptation: Moynot
- Editeur: Casterman
- Parution: septembre 2013
- Prix: 18 euros