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Jakuta Alikavazovic joue
cartes sur tables : il y a bien une blonde et un bunker dans La blonde et le bunker. Mais pas seulement.
La blonde s’appelle Anna, elle vient avec son mari de « consommer leur divorce ». Les italiques sont dans le
texte, elles traduisent la surprise de Gray, à qui l’expression semble
impropre. Gray est devenu l’amant d’Anna après cinq pages. Bientôt il habite
chez elle, dans une maison de la butte Montmartre qui ressemble à un bunker.
Elle occupe le rez-de-chaussée, son ex-mari, le rez-de-jardin, en dessous. La
situation crée un malaise chez Gray, malgré l’assurance d’Anna : « il n’y avait aucune inquiétude à
avoir. » John Volstead, l’ex-mari, ne fréquente pas le rez-de-chaussée
et se consacre à l’écriture d’un livre. Du moins le prétend-il. Il a publié
vingt ans plus tôt un roman qui a fait sa gloire, Les narcissiques anonymes. Depuis, il vit en face d’une photo qui a
fait la couverture de Time Magazine,
où il signe le front d’une jeune femme. Cette reproduction est un des mystères
dont la romancière parsème son livre, comme autant de mines prêtes à exploser,
le moment venu, à la figure du lecteur.
La plus grosse de ces
mines est la collection Castiglioni, signalée dès les premières lignes. Elle « est souvent décrite comme éphémère. Le mot est mal choisi ; certainement,
elle est fugitive, voire fuyante – si tant est que ces termes puissent s’appliquer
à une collection d’art. » Gray devra retrouver cette collection, après
la mort de John et l’ouverture de son testament dont une ligne le concerne.
C’est assez pour le lancer dans une sorte d’enquête aussi floue que l’objet de
sa recherche et pour le placer dans les pas d’un certain professeur Warski, le
meilleur (et peut-être le seul) spécialiste mondial de la collection
Castiglioni. Il le retrouvera à Venise, en compagnie d’une assistante (dont ce
n’est peut-être pas la véritable fonction).
La
blonde et le bunker
propose quelques certitudes et une quantité bien plus grande de points
d’interrogation. Ceux-ci prolongent le roman hors de lui-même. Ils sont pour le
lecteur des points d’appui, c’est-à-dire aussi la base solide sur laquelle on prend
son élan. Après Le Londres-Louxor, Jakuta Alikavazovic continue à créer
une matière romanesque inédite. Elle doit autant à son talent qu’à son goût
d’explorer les interstices de la réalité.