Certains prétendent que l’existence de la femme remonte de la préhistoire. Ils ont probablement raison. En effet, comme ne le laissent pas imaginer ses coûteuses robes de couturiers et ses talons hauts, la femme fut, au départ, un primate comme les autres. Les magazines féminins ont parfois tendance à réserver ce rôle exclusivement à l’homme. C’est une erreur fondamentale. Comme l’homme, elle a d’abord élu domicile dans les arbres des forêts tropicales pour se protéger des souris et des lions. Comme l’homme elle y a cueilli, certes d’un geste probablement déjà fort gracieux, fruits mûrs, baies rouges et tendres pousses de printemps. Mais il y a 6,3 millions ans, une impitoyable canicule agrémentée de tremblements de terre et de cendres volcaniques s’abattit sur sa région. Son environnement en fut bouleversé de fond en comble. La femme se vit contrainte, tout comme l’homme, de poser son pied délicat sur le sol de la savane. Bonobos, chimpanzés et gorilles s’y baguenaudaient déjà tranquillement en se gavant de topinambours et autres tubercules bios tels que les navets et les salsifis. L’homme et la femme se mêlèrent benoitement à eux. Vivant, mangeant, mourant comme eux. Ils devinrent à leur tour des hominidés. Ils ne connaissaient pas encore Philippe Sollers ni même Michel Houellebecq mais leur vie était presque heureuse. Hélas, 3,8 millions ans plus tard, à la suite d’un obscur conflit conjugal où était impliquée une lointaine cousine orang-outan,la femme et son hommefurent chassés de la savane. Leur voyage les conduisit par monts et par vaux jusqu’à un nouveau carrefour. Ils bifurquèrent vers l’embranchement homo. Ce changement devait marquer le destin de l’humanité. En effet, l’homme ne fréquentait pas encore les bistrots. La femme ne flânait pas encore dans les allées des Galeries Lafayette. Ils vivaient cependant heureux dans leur pays d’Éden. Les siècles auraient pu s’ajouter aux siècles sans que rien ne modifiât jamais le cours paisible de leur histoire. Mais un jour, l’homme se lança dans la taille du silex pour découper plus facilement son beefsteak. Il découvrit très vite le panaris provoqué par le choc malencontreux du percuteur sur le pouce. La femme, quant à elle, découvrit, bien avantNewton, le principe de la pomme qui tombe et entraîne avec elle une cascade d’ennuis. Devant tant d’adversité, d’autres se seraient inclinés. Eux choisirent, après mûre réflexion, de créer le fameux club des sapiens. On sait aujourd’hui ce qu’il en advint. L’homme et la femme avaient ainsi traversé ensembles les millénaires. Partageant tout. Le pire comme le meilleur. Jusqu’à montrer la même maladresse devant les gestes les plus simples de la vie. Ce qui prouve bien que la femme est l’égale de l’homme. Et réciproquement. C’est pourquoi, si cette simple constatation était aujourd’hui reconnue et respectée, le monde tournerait peut-être un peu mieux.
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