Pour la sortie de leur cinquième album, le quatuor de Sheffield a tombé le cuir et laissé place au costume. AM, clin d’oeil assumé aux Velvet Underground, offre une multiplicité sonore, mêlant rock, hip-hop et blues. Et c’est peut-être cette diversité qui rend la critique si unanime. AM est, en 12 titres, l’album le plus abouti des Arctic Monkeys, à l’exception de quelques frivolités dont on se serait bien passées.
En ouvrant sur « Do I Wanna Know », Alex Turner annonce le ton de l’album : il sera sexy et glamour, parlera probablement de filles, d’alcool et de désamour.
« Meilleur album de la dernière décennie » (NME)
Les chansons défilent à coup de tube, mais à trop vouloir séduire, les Monkeys tombent dans la facilité, parfois même la médiocrité. « I Want It All » en est la preuve tant le falsetto de Turner est agaçant. Trop propre et lisse, la première partie de l’album sonne donc un peu trop stoner rock, à l’instar de Josh Homme, producteur de l’album. Mais les princes de Sheffield n’ont pour autant pas laissé tomber leur english touch. Avec « Snap out of it« , les anglais refont du rock anglais et ça claque. « No 1. Party Anthem », quant à elle, n’est pas sans rappeler la bande original de Submarine, entièrement réalisée par Monsieur Turner et « Fireside » évoque volontiers l’univers des Last Shadow Puppets version 2.0. Un brin nostalgiques, un peu mélancoliques, les Arctic Monkeys maîtrisent leur album en alliant rock cagneux et jolis slows. La seule déception est peut être celle d’avoir choisi d’intégrer la superbe « Stop the world I wanna get off with you » sur une B-side.
A presque 27 ans de moyenne d’âge, le groupe a mis un terme à sa période acnéique, changé de coupe de cheveux et par la même occasion pris un peu de maturité. Alex Turner a quelque peu délaissé sa guitare pour concentrer ses efforts sur le chant et le résultat est bluffant. Le bel anglais s’adonne à quelques essais maîtrisés, parfois épaulés par les cœurs de Matt Helders (les cœurs nous suffisent, « Brick by Brick » n’était pas franchement une réussite). Et le groupe ne cesse de défrayer la chronique. En seulement une semaine, AM se place en tête des charts Anglais, et se vend à plus de 160 000 exemplaires. NME va même jusqu’à le qualifier de « meilleur album de la dernière décennie », lui adressant la note de 10/10. Vous l’aurez compris, AM séduit.
En traversant l’atlantique, le groupe s’est offert une nouvelle image et assume son virage stoner rock. Ce cinquième album marque définitivement leur entrée dans la cour des grands. Si les Arctic sont désormais taillés pour les stades, ils ont tout de même accepté un rendez vous intime avec le public de Canal+ pour la musicale live, on y était.
Le live
Il est 20h et nous sommes en plein direct des Guignols de l’info. PPD anime un débat entre Vladimir Poutine, Barack Obama et François Hollande. Mais la Syrie n’est pas au centre de nos préoccupations ce soir. Après un changement de plateau, quatre déplacements de caméra, au moins six sessions d’applaudissement et une intervention d’Emma De Caunes, les Arctic Monkeys entrent en scène. Déjà présent sur le plateau en 2011 pour la promotion de Humbug, le groupe semble dans son élément. Ils ouvrent le show très privé par « One for the Road » et enchaînent leurs nouveaux tubes. Bill Ryder-Jones, vieux copain d’Alex, rejoint le quatuor pour quelques accords et repart aussi vite qu’il est arrivé. Malgré le petit effectif (50 personnes, pas quoi casser la baraque), l’ambiance est là et les caméras se font vite oublier.
Pour parfaire son image de rock star (et peut être parce qu’il avait trop tiré sur le vin rouge), Alex Turner prend le temps de faire le beau et les yeux doux aux jeunes filles du public (moi y compris) avant de lancer, après maints essais, le très attendu « R U Mine ? » .
En 11 morcaux et un rappel (« Cornerstone« ), les Arctic Monkeys ont conquis l’assemblée. En toute honnêteté, ils nous ont transporté dans leur nouvel univers que l’on a volontiers adopté. En sortant, on se dit qu’on serait bien resté un peu plus longtemps et qu’on aurait dû acheter notre place pour le Zenith avant qu’il soit complet.
Aussi bien en live qu’en studio, AM est un album mûr et travaillé. Seulement deux ans après la sortie de Suck It And See, les Arctic Monkeys reviennent sur le devant de la scène pour le plaisir de nos oreilles. En se fiançant avec l’Amérique, le groupe a pris le risque de décevoir. Mais le pari est réussi et les Monkeys amorcent leur retour en beauté. L’album est à lui seul un petit trésor (en dépit de quelques maladresses) et laisse présager une suite qui n’en sera que meilleure.