J’avais ainsi relevé, dans l’édition critique des Lettres à la Présidente et poésies érotiques de Gautier que j’avais publiée en 2002 (Honoré Champion), de nombreuses perles de langage : « vilebrequin d’amour », « térébrer le nombril », « fourchette de Saint-Carpion », « se rendre au café des Deux Colonnes », « moule à redingotes », « se faire fauberger le gin-gin », « avoir des fleurs vertes », « écouvillonner un vieux canon », « paufichonner l’as de trèfle », etc. On devinera facilement la connotation sexuelle de ce florilège.
C’est majoritairement sur ce même thème - et celui des joyeuses beuveries - que s’inscrivent les « 300 expressions incongrues » réunies par Bruno Gravelet, qui avait déjà connu un beau succès avec son précédent ouvrage Vos gueules les mouettes, sous le titre On n’est pas venus pour poser du lino (Chiflet et Cie, 224 pages, 14,50 €). Un titre qui rappelle la réplique de Bernard Blier, alias Raoul Volfoni, dans la mythique scène de la cuisine des Tontons flingueurs : « On n’est quand même pas venus pour beurrer des sandwiches. » Il est vrai qu’Audiard n’aurait pu utiliser l’expression choisie par Bruno Gravelet sans créer une certaine confusion, Blier s’adressant alors à Monsieur Fernand, campé par... Lino Ventura.
Dans son recueil, l’auteur ne se limite pas à réunir une liste de mots insolites ; il en donne également des étymologies et des traductions (de haute fantaisie !) en latin, anglais ou espagnol, des définitions (la première pertinente, les autres délirantes) et des synonymes. Le tout sur un ton volontairement docte, affecté. Ce détournement de textes encyclopédiques crée un décalage résolument hilarant.
Il est dommage qu’un tel ouvrage, consacré à des aspects si singuliers de la langue française, comporte autant de fautes qui auraient pu être évitées. Ainsi, l’auteur semble fâché avec l’adverbe « voire », décliné le plus souvent en « voire même », « voir même » ou « voir ». Les correcteurs de l’éditeur étaient-ils en vacances ?
« Anglais ont débarqués [sic] (les) (Latin : Ragnagnum Menstrualis) :
1. Période du mois où les sujets masculins placés à leur corps défendant en contact avec des représentantes du sexe encore plus opposé qu’à l’accoutumée privilégient les obligations extérieures, appellent de leurs vœux la laryngite aiguë providentielle, envisagent l’opération à cœur ouvert salutaire ou à défaut veillent à l’omniprésence de témoins oculaires et à l’approvisionnement en alcools forts.
2. Dénote de manière irréfutable un travail de néophyte en matière de peinture, ces derniers négligeant de dégager et arrondir les angles avant d’appliquer leurs plâtras bariolés à grand coup de rouleau extra-large et de canne à peindre (cf. l’expression dérivative : Recevoir les peintres).
3. Justification tarifaire pratiquée par les agents immobiliers sur les côtes du Sud-Ouest et de la Charente-Maritime.
4. Période estivale se caractérisant par un afflux notable de touristes brûlés par le soleil, ne pratiquant jamais la langue des autochtones mais déplorant avec force la mauvaise tenue de leur environnement naturel conjointement à leur incapacité à manifester la moindre gratitude concernant leur présence en ces lieux.
Etre indisposé [sic], Avoir ses ours, Ecraser des tomates, Faire relâche, Recevoir sa famille, Jouer à cache-tampon. »
Illustration : Dessin de Dédé illustrant l'expression «J'ai mes ours», extrait de L'Argot sans peine, la méthode à Mimile, d'Alphonse Boudard et Luc Etienne.