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« On n’est pas venus pour poser du lino », florilège d’expressions insolites

Publié le 30 septembre 2013 par Savatier

« On n’est pas venus pour poser du lino », florilège d’expressions insolitesLa langue française recèle une multitude d’expressions imagées, fleuries, insolites qui font sa richesse, même si les puritains les classent trop souvent dans le registre vulgaire ou argotique. Elles restent, dans l’esprit du public, liées au langage populaire et gouailleur ou à la plume de quelques auteurs qui excellèrent à les employer, voire à les inventer : Louis-Ferdinand Céline, Alphonse Boudard, Frédéric Dard ou Michel Audiard. Pourtant, d’autres écrivains que l’on n’attendait pas nécessairement dans ce domaine, n’hésitèrent pas à en faire usage. Ainsi, Théophile Gautier, poète délicat d’Emaux et Camées, romancier audacieux de Mademoiselle de Maupin, grand dévoreur de dictionnaires, que Baudelaire, dans sa dédicace des Fleurs du Mal, avait à juste titre consacré « parfait magicien es lettres françaises », savaient se livrer à cet exercice avec maestria.

J’avais ainsi relevé, dans l’édition critique des Lettres à la Présidente et poésies érotiques de Gautier que j’avais publiée en 2002 (Honoré Champion), de nombreuses perles de langage : « vilebrequin d’amour », « térébrer le nombril », « fourchette de Saint-Carpion », « se rendre au café des Deux Colonnes », « moule à redingotes », « se faire fauberger le gin-gin », « avoir des fleurs vertes », « écouvillonner un vieux canon », « paufichonner l’as de trèfle », etc. On devinera facilement la connotation sexuelle de ce florilège.

C’est majoritairement sur ce même thème - et celui des joyeuses beuveries - que s’inscrivent les « 300 expressions incongrues »  réunies par Bruno Gravelet, qui avait déjà connu un beau succès avec son précédent ouvrage Vos gueules les mouettes, sous le titre On n’est pas venus pour poser du lino (Chiflet et Cie, 224 pages, 14,50 €). Un titre qui rappelle la réplique de Bernard Blier, alias Raoul Volfoni, dans la mythique scène de la cuisine des Tontons flingueurs : « On n’est quand même pas venus pour beurrer des sandwiches. » Il est vrai qu’Audiard n’aurait pu utiliser l’expression choisie par Bruno Gravelet sans créer une certaine confusion, Blier s’adressant alors à Monsieur Fernand, campé par... Lino Ventura.

Dans son recueil, l’auteur ne se limite pas à réunir une liste de mots insolites ; il en donne également des étymologies et des traductions (de haute fantaisie !) en latin, anglais ou espagnol, des définitions (la première pertinente, les autres délirantes) et des synonymes. Le tout sur un ton volontairement docte, affecté. Ce détournement de textes encyclopédiques crée un décalage résolument hilarant.

Il est dommage qu’un tel ouvrage, consacré à des aspects si singuliers de la langue française, comporte autant de fautes qui auraient pu être évitées. Ainsi, l’auteur semble fâché avec l’adverbe  « voire », décliné le plus souvent en « voire même », « voir même » ou « voir ». Les correcteurs de l’éditeur étaient-ils en vacances ?

« On n’est pas venus pour poser du lino », florilège d’expressions insolites
Pour autant, d’ « Abreuver le courtaud » à « Zyva », en passant par « Capilotracter » (qui fait furieusement penser au « postéropoder » de Pierre Desproges), « Démoulé trop chaud (avoir été) », « gâcher à sec » (dans les ateliers de mécanique, on dira plutôt « tarauder à sec »), « pousser des cris d’orfraie » ou « yoyoter de la mansarde », les curiosités abondent autant que les occasions de rire, comme l’illustre cette entrée, très représentative :

« Anglais ont débarqués [sic] (les) (Latin : Ragnagnum Menstrualis) :

1. Période du mois où les sujets masculins placés à leur corps défendant en contact avec des représentantes du sexe encore plus opposé qu’à l’accoutumée privilégient les obligations extérieures, appellent de leurs vœux la laryngite aiguë providentielle, envisagent l’opération à cœur ouvert salutaire ou à défaut veillent à l’omniprésence de témoins oculaires et à l’approvisionnement en alcools forts.

2. Dénote de manière irréfutable un travail de néophyte en matière de peinture, ces derniers négligeant de dégager et arrondir les angles avant d’appliquer leurs plâtras bariolés à grand coup de rouleau extra-large et de canne à peindre (cf. l’expression dérivative : Recevoir les peintres).

3. Justification tarifaire pratiquée par les agents immobiliers sur les côtes du Sud-Ouest et de la Charente-Maritime.

4. Période estivale se caractérisant par un afflux notable de touristes brûlés par le soleil, ne pratiquant jamais la langue des autochtones mais déplorant avec force la mauvaise tenue de leur environnement naturel conjointement à leur incapacité à manifester la moindre gratitude concernant leur présence en ces lieux.

Etre indisposé [sic], Avoir ses ours, Ecraser des tomates, Faire relâche, Recevoir sa famille, Jouer à cache-tampon. »

Illustration : Dessin de Dédé illustrant l'expression  «J'ai mes ours», extrait de L'Argot sans peine, la méthode à Mimile, d'Alphonse Boudard et Luc Etienne.


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