100 KM DE MILLAU - le reportage
Publié le 30 septembre 2013 par Antoine06
@AVissuzaine
Mais qu’est-ce qu’il peut bien se
passer dans la tête d’un marathonien quand il décide de passer au 100
kilomètres ?
A cette judicieuse question, je
répondrais tout simplement que c’est la passion qui nous guide, le goût du défi
et du dépassement de soi. Mais je comprends que ceux qui ne courent que pour ne
pas rater un train se frappent l’index contre la tempe à la seule évocation de
cette distance de course.
Toujours est-il qu’après avoir
reporté plusieurs fois le projet, j’étais inscrit au 100 km de Millau.
Ma préparation pour cette course
a commencé le 20 juillet, la veille de Marvejols-Mende (Lozère), une course de
22 kilomètres en Lozère. J’ai ainsi cumulé plus de 65 heures et près de 700
kilomètres d’entraînement, entre fractionné, allures marathons, sorties longues
jusqu’à 3 heures et footing de récupération. (Eh oui, il faut courir pour
récupérer !)
Je suis arrivé la veille avec
David, qui m’accompagne en vélo sur la course. David étant également mon
entraîneur je suis rassuré que l’aventure se fasse avec lui. Il est certes déçu
de ne pas courir comme initialement prévu mais les circonstances et la vie en
ont décidés autrement. Outre les ravitaillements prévus sur la course par les
organisateurs David emmène avec lui gels glucidés, barres de céréales, pâtes de
fruits, jambon, fromage, de l’eau, une tenue de rechange, un coupe-vent, un
vêtement de pluie, et pour lui… un nécessaire à crevaison !
Le temps est nuageux, pas de
chaleur prévue, un peu de pluie dans l’après-midi, c’est presque idéal. Pour les
2 000 partants, dont 400 pour « seulement » (quand même) un marathon.
Le départ est donné à 10 heures après une parade dans les rues de la ville. Je
prévois de courir à 10 km/h, soit 6 minutes au km, soit 10 heures, plus deux
heures pour les pauses, les côtes où je marcherais, les ravitaillements. Arrivée
prévue avant 22 heures. Pour l’arrivée, une bouteille de champagne est d’ores
et déjà au frais. Sur le papier, comme ça, c’est parfait.
Le marathon constitue la première
boucle de ce 100 km, il consiste à rejoindre Peyrelau par une rive du Tarn et
retour à Millau par l’autre rive où la seconde boucle est un aller-retour
jusqu’à Saint-Affrique. Quelques bosses sur le marathon, les principales
difficultés de la course se situent sur la deuxième boucle : La côte du
Viaduc de Millau avant la mi-course puis au retour vers le 90e
kilomètre, et la montée vers Tiergues aux 60e et 72e
kilomètres.
Les accompagnateurs-cyclistes retrouvent
leur coureur au village d’Aguessac, au 7e kilomètre. J’appréhendais
un peu ce passage, craignant un peu la pagaille, mais l’organisation est suffisamment
performante pour permettre au peloton de se regrouper sans difficultés.
Pour l’heure, le seul problème
est technique. Je pensais commenter la course en direct sur mon blog avec le
smartphone de David à qui j’aurais dicté mes impressions. Mais la fée 3G en
décide autrement, il faut improviser et le direct devient un (très) léger
différé. Nous enverrons des textos à Julien, le presque président du club, puis
à Angélique, la compagne de David, qui les retranscrirons sur le blog.
Six minutes par kilomètres n’est
pas une vitesse rapide (qui veut voyager loin ménage sa monture), fort
heureusement le paysage aveyronnais permet une agréable diversion.
2 heures 9 au semi-marathon,
situé dans une côte assez sèche, c’est exactement ce qu’il faut. A cet endroit
la route se rétrécit provoquant un petit embouteillage, je rencontrerais à
nouveau ce problème au ravitaillement du 25e kilomètre. Cela n’est
pas un problème, David dans son rôle d’ange gardien, prend ce qu’il me faut
pour manger et boire.
Il y a un autre ravitaillement où
nous pratiquerons de la même façon, à Pont du Dourdou (57e), la sono
à fond m’insupportera.
Passage au marathon. Par
superstition sans doute, je ne traîne pas au ravitaillement. Je ne veux pas
rester trop longtemps dans la distance connue.
C’est la 2e boucle
désormais, mais le parcours dans les rues de Millau n’est pas entièrement fermé
aux voitures. J’ai hâte de sortir de la ville, ce passage n’est pas très
agréable.
Je marche dans la première vraie
difficulté de la journée et je suis loin d’être le seul, le peloton de coureurs
et devenu un peloton de randonneurs. Ce qui m’inquiète c’est que je commence à
avoir mal au ventre. Mauvais signe
La borne du 50e
kilomètre me revigore, même si les jambes commencent à faire un peu mal. Le
ventre aussi, je ne sais plus quoi manger, je n’ai envie de rien mais David
insiste. Une pause derrière un buisson améliore un peu la situation.
Massage réparateur au 54e kilomètre
dans la salle des fêtes de Saint Georges de Luzençon.
David a vraiment besoin de me
motiver dans la côte de Tiergues. Bavarder avec un autre coureur en marchant
dans cette 2e ascension s’avère utile pour ne pas trop penser aux
jambes, mais ça commence à faire vraiment mal.
C’est l’ischio droit qui est le
plus douloureux. Je me fais à nouveau masser au 65e kilomètre mais
je ne veux plus repartir, David me fait faire des étirements, parvient à me
persuader de repartir.
C’est en descente jusqu’à
Saint-Affrique, malgré cela je ne cours qu’à 10 minutes par kilomètre (6 km/h).
Saint Affrique, au 71e
kilomètre marque le demi-tour de la deuxième boucle. Les cyclistes sont déviés
pour le passage au contrôle. Je lance à David « Tu ne m’empêcheras pas
de faire ce que je veux ». À cet instant plus personne n’est dupe pour l’issue
de ma course. L’animateur, qui à ma démarche comprend vite ma souffrance, m’interview
brièvement, me demande d’où je viens et si je vais continuer. Je réponds encore
que je ne sais pas, m’accrochant encore vainement à l’idée que tout n’est pas
fini, puis il m’indique l’endroit où est stationnée la navette pour le retour
en bus.
Je m’assieds par terre, déçu,
David tente encore de me motiver mais m’avouera plus tard qu’il savait que c’était
terminé.
J’attends le dernier moment pour
décrocher et rendre mon dossard, ce n’est jamais un moment agréable. Et je me
console en me disant que c’est mon record de distance courue.
Dans le bus, j’envoie un texto
pour annoncer mon abandon à mes enfants, ma compagne, ma kiné, quelques « VIP »
et bien sûr au « relais blog ».
Il s’en suivra de très nombreux
messages qui me touchent beaucoup, dont un courriel plein de sagesse de ma
mère, citant Paulo COELHO : « Seul est vaincu celui qui renonce ».
Non Maman, je ne renonce pas, je
reviendrais à Millau.
Jean-Claude, nouveau record du club en 12 h. 52'26"