A la suite de la 2ème Conférence environnementale, le Ministère de l'écologie vient de publier la deuxième feuille de route pour la transition écologique. Avec une priorité : l'économie circulaire.
De manière générale, force est de constater que cette deuxième feuille de route est plutôt passée inaperçue. Rares sont les acteurs ou les journalistes qui auront pris le temps de commenter ce document. A leur décharge, il faut bien admettre que cette feuille de route ne comporte pas beaucoup de nouveautés. Il sera sans doute de plus en plus difficile de publier chaque année une feuille de route réellement différente. En réalité la deuxième feuille de route ressemble à la première voire à nombre d'engagements pris au lendemain du Grenelle de l'environnement de 2007.
Au risque de me répéter, je pense que si les solutions sont connues, le mécanisme de choix parmi ces solutions et de garantie de leur suivi dans le temps n'est pas encore au point : le dialogue environnemental. Pour avoir assister à cette deuxième conférence environnementale, je suis réservé sur la pertinence de ce format, ponctuel qui consiste pour l'essentiel à écouter les discours d'ouverture et de clôture du Président de la République puis du Premier ministre. En outre, la multiplication des conseils et des observatoires ne me semble pas, de ce point de vue, conforme à l'objectif d'une montée en puissance du nouveau conseil national de la transition écologique. Il faut prendre garde à ne pas morceler le dialogue environnemental en l'éclatant entre plusieurs instances de concertation.
J'attendais donc de la feuille de route des précisions sur les annonces - forcément générales - qui ont été faites par le Chef de l'Etat et le Premier ministre. Mais cette feuille de route ne comporte cependant pas beaucoup de précisions sur le nouveau mécanisme de soutien au financement du développement des énergies renouvelables ni sur les conditions du prolongement du parc nucléaire. Il faudra donc bien attendre le mois de juillet 2014 et le projet de loi relatif à la transition énergétique pour y voir plus clair sur l'avenir de notre mix énergétique.
Une chose est certaine : les auteurs de cette deuxième feuille de route ont souhaité souligner la priorité donnée à l'économie circulaire. La feuille de route précise en effet :
"Pour la première fois un Gouvernement fait du dossier de l’économie circulaire une priorité. Celle-ci va bien au-delà du recyclage des déchets. Elle engage la durée de vie des produits, l’information du consommateur, le développement économique et les ressources nationales. Elle doit être conduite dans des conditions financières soutenables et dans un cadre règlementaire adapté. Une attention particulière devra être accordée dans le cadre du dialogue social à la pénibilité des métiers de l’économie circulaire."
Le débat sur l'économie circulaire n'est pas nouveau. Le site de la Fondation Ellen Mac Arthur propose ici un bref historique de cette expression. Mon cabinet est particulièrement investi sur cette problématique, par son assistance à des clients du secteur de la distribution, du déchet, des éco-organismes mais aussi par son implication au sein de l'Institut de l'économie circulaire et le pilotage, par Me Dorothée Courilleau, du Groupe de travail des déchets de La Fabrique écologique.
L'origine du concept de l'économie circulaire dans son acception actuelle est généralement fixée à l'ouvrage "Cradle to cradle" de Michael Braungart et William McDonough. En réalité, les concepts d'économie circulaire, d'économie de fonctionnalité, d'économie verte, d'économie positive et bien d'autres encore, ont tous un socle commun : l'objectif de développement durable mais aussi les différents principes directeurs du droit de l'environnement dont celui du pollueur-payeur.
A l'issue du du Grenelle de l'environnement, le rapport du Groupe de travail n°6 "Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité" avait défini un Programme n°7 intitulé : "Promouvoir une économie circulaire et de fonctionnalité". A la suite de ce Groupe de travail, le Comité opérationnel n°31 a publié un rapport consacré à l'économie de fonctionnalité.
Malgré de multiples rapports, la définition exacte et les implications du concept d'économie circulaire ne sont pas encore tout à fait consensuelles passé un certain degré de généralité. Souvent réduit à l'objectif de recyclage des déchets qui n'en constitue que l'un des volets, l'économie circulaire est une cousine du concept d'économie durable popularisé par Tim Jackson dans son ouvrage à mon sens fondamental :"Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable". Quelle que soit l'expression, l'idée demeure la même : notre modèle économique fondé sur la destruction de ressources naturelles finies n'est pas durable.Il convient donc de passer d'une économie de stocks à une économie de flux, qu'il s'agisse de l'énergie, des matières premières ou même de l'information et des savoirs.
Par ailleurs, l'une des difficultés tenant à l'émergence d'une économie circulaire tient à l'absence de cadre juridique adéquat.
Plutôt que d'imposer une définition, la deuxième feuille de route propose une série d'objectifs
"La transition vers l’économie circulaire se décline notamment via les objectifs suivants :
- Intégrer dès leur conception les critères de prolongement de la durée de vie des objets, de réemploi, de leur réparabilité, de leur recyclabilité et de l’intégration de matières premières secondaires ;
- Accompagner les entreprises, en particulier les PME, dans la valorisation des matières, facteur de compétitivité et d’emploi ;
- Découpler la production totale de déchets de la croissance économique ;
- Favoriser l’essor de l’écologie industrielle et territoriale à l’échelle pertinente des
territoires et des zones d’activités."
Le premier chapitre consacré à l'économie circulaire de la 2ème feuille de route pour la transition écologique comporte les engagements suivants :
"1. Définir une stratégie d’utilisation des ressources et des objectifs de long terme et un plan « déchets 2014-2020 »
2. Une «conférence de mise en œuvre » réunira cet automne dans la continuité de la table ronde les acteurs de l’économie circulaire
Changer nos modes de consommation et de production, de distribution et de logistique,vers une économie plus efficace dans l’utilisation des ressources
3. Favoriser l’éco-conception des produits pour augmenter leur durabilité, leur réutilisation et leur réparabilité ainsi que leur recyclage
4. Lutter contre les pratiques d’obsolescence programmée et mettre en œuvre concrètement les nouveaux droits du consommateur
5. Renforcer le pilotage, la gouvernance et la mobilisation des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) par la puissance publique au service de la transition vers une économie circulaire
Impulser une nouvelle politique industrielle permettant de concrétiser l’économie circulaire, grâce à l’amélioration de l’efficacité du geste de tri, et la recherche d’innovations technologiques sur les produits, les process, et les matériaux
6. Accompagner entreprises et collectivités locales dans cette transition par des outils financiers et réglementaires
7. Créer le cadre favorable à l’amélioration du tri, par les citoyens comme par les entreprises
8. Lutter contre les trafics illégaux
Décliner l’économie circulaire comme un projet de territoires
9. Accroître la connaissance des flux de déchets et de matières, des coûts et financements associés à leur gestion.
Simplifier et faciliter l’accès à l’information correspondante, y compris pour le citoyen
10. Mettre en place les outils d’incitation financière à la réinjection des déchets dans le cycle économique, sans accroître les charges globales pour les acteurs
11. Développer l’écologie industrielle et territoriale (EIT) dans les territoires.
12. Conserver les ressources sur le territoire, notamment les plus stratégiques"
Il est regrettable que l'économie circulaire soit principalement conçue comme une nouvelle manière de prévenir et de traiter nos déchets, aussi essentiel soit cette politique.
Il manque en effet un levier fondamental de l'économie circulaire : la fiscalité. Or, de ce point de vue, la feuille de route est muette.
En réalité, le chantier de l'économie circulaire suppose une réflexion sur notre droit et sur le fonctionnement de notre démocratie. Il suppose aussi de faire le lien entre différentes problématiques. Sur ce point trés précis, il est heureux que la feuille de route indique : "La connaissance territoriale des gisements sera renforcée, en incluant les déchets d’activités économiques, en particulier du BTP en lien avec les schémas de carrières."
S'agissant de la responsabilité élargie du producteur et des éco organismes, la feuille de route détaillée confirme tout d'abord :
"Les contributions dans les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) seront mieux modulées en fonction de la réparabilité, de la durée de vie et de l’éco-conception".
Par ailleurs, la feuille de route détaillée indique :
"5. Renforcer le pilotage, la gouvernance et la mobilisation des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) par la puissance publique au service de la transition vers une économie circulaire
Les rôles de l’Etat et des instances de concertation dans le pilotage des filières REP seront étendus, en particulier sur la communication et l’information du consommateur.
La gouvernance du dispositif sera clarifiée, simplifiée et harmonisée. Les contrôles par l’Etat seront systématisés.
Le gouvernement proposera dans le cadre du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire de favoriser le recours aux entreprises agréées d’utilité sociale (insertion des personnes éloignées de l'emploi, personnes handicapées) par les éco-organismes. Une meilleure prise en compte des dimensions industrielles dans les cahiers des charges sera encouragée.
Aucune nouvelle filière REP ne sera créée à court terme, afin de permettre collectivement l’amélioration des pratiques et résultats des filières existantes. Des extensions ciblées et cohérentes du périmètre de certaines filières REP seront évaluées."
Moratoire sur la création de nouvelles filières REP, réforme des cahiers des charges par le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, réforme du pilotage des filières REP : autant de mesures qui manquent encore de contenu pour que leur sens et leur portée puissent être réellement commentés.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats