Vous n'êtes pas sans savoir que l'enseigne Sephora du groupe LVMH, qui appartient à Bernard Arnault, une des premières fortunes de France, a été condamnée lundi dernier à fermer son magasin des Champs-Élysées à 21 heures au lieu de minuit actuellement.
La Cour d'appel de Paris a considéré, à l'instar de l'intersyndicale, le CLIC-P, que les activités de Séphora ne rendent pas nécessaire le travail de nuit eu égard aux exigences de continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.
Les médias dominants ne se sont pas faits prier pour défendre les intérêts d'une enseigne qui leur paie régulièrement des pages de publicité. Les titres des articles annoncent la couleur :
- Le Monde :
« Sephora : une décision qui n'enchante pas les salariés »
« Travail de nuit : émoi général après la condamnation de Sephora »
« Sephora: Les syndicats se réjouissent, les salariés pleurent »
« Sephora ne pourra plus ouvrir jusqu'à minuit : un sabordage industriel »
« Travail nocturne et dominical : la connerie triomphante »
- TF1 :
« Sephora : des salariés déçus par l’interdiction de travailler après 21h »
- Atlantico :
« Sephora, énième victime de la connerie administrative ordinaire »
Dans ces articles à sens unique, les thématiques de l'idéologie dominante ont été déclinées pour critiquer cette décision de justice qui va - à priori [1]- à l'encontre des intérêts patronaux : l'emploi menacé, la baisse du chiffre d'affaires , la négation de la représentativité et de la légitimité des syndicats, la liberté de travailler et de consommer est bafouée, et bien entendu les touristes dépenseront leurs sous ailleurs parce c'est bien connu qu'ils consomment uniquement entre 21 heures et minuit... La palme de la propagande patronale revient au Parisien dans son édition du samedi 28 septembre 2013 avec ce titre éloquent :
« Interdits de travail ! »
En l'espèce, hormis L'Humanité, ces médias dominants ont été complices de l'instrumentalisation des salariés par leur employeur, à l'instar de Bricorama, avec une pétition qui pue la manipulation patronale à plein nez et le chantage à l'emploi. En l'occurrence, ils sont allés très loin en interviewant une certaine Marie-Cécile salariée de Sephora, sans préciser que celle-ci milite à UMP et fut même responsable de l’UNI dans le Vaucluse.
Petite parenthèse : en qualité de travailleurs précaires, payés à la vacation et incertains d'être rappelés le lendemain, mes collègues et moi étions tous partants pour bosser de 20 heures et à 6 heures. Partants, mais pas volontaires pour gagner un peu plus qu'un salaire de misère. Si nous avions eu un job stable et mieux payé, nous aurions jamais accepté des horaires de nuit, y compris le samedi et le dimanche.
Dans un contexte de chômage de masse et de baisse du pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes, de dégradation du droit du travail et d'une fiscalité injuste, il est évident que la notion du volontariat des salariés relève de la fumisterie et de l'intox. Grâce à cette crise imposée par les tenants du néolibéralisme, le patronat impose sa loi, celle du plus fort, et instrumentalise certains salariés. Dans ces conditions, il se saurait être question de liberté du travail.
Note
[1] Des patrons favorables au repos dominical