L'hommage rendu par l'étatisme à la liberté

Publié le 29 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Philosophie

L'hommage rendu par l'étatisme à la liberté

Publié le 29/09/2013

Concrètement, l'État ne me demande quasiment jamais rien et le fait de manière indirecte. Pourquoi ?

Par Bryan Caplan, depuis les États-Unis.

Voici un constat étrange pour un libertarien : Il est rare que le gouvernement me demande de faire quelque chose. Une fois par an, l’IRS (ndt : le Bercy américain) m’ordonne de payer un impôt sur le revenu fédéral. Une fois par an, l’État de Virginie me force à payer un impôt sur le revenu local et fait inspecter ma voiture. Une fois par an, Fairfax County me fait payer des taxes sur la propriété. Si l’on oublie le code de la route, le gouvernement me laisse tranquille plus de 350 jours par an.

Comment est-ce possible alors que le gouvernement régule pratiquement tous les aspects de nos vies d’américains et prend 40% du PIB ? Le gouvernement contrôle le marché du travail (surtout pour les travailleurs immigrés). Le gouvernement décide quels produits je peux et ne peux pas acheter. Le gouvernement fournit un système de retraite gigantesque qu’on ne peut pas éviter, à moins de quitter le pays. Comment est-ce que le gouvernement peut contrôler autant, sans pour autant me donner des ordres ?

La réponse est simple mais scandaleuse : Le gouvernement me contrôle en contrôlant mes partenaires commerciaux. Le gouvernement ne me dit pas de payer les taxes aux points de vente ; il se contente de forcer tous les magasins de Virginie à les collecter comme condition d’exercer. Le gouvernement ne me dit pas qui je peux et ne peux pas embaucher ; il se contente de dire à toutes les entreprises avec qui j’échange qui ils peuvent et ne peuvent pas embaucher. Le gouvernement ne me dit même pas que j’ai à contribuer à la sécurité sociale ; il oblige mon employeur à cotiser en mon nom comme condition pour m’embaucher.

Pourquoi est-ce que la coercition prédominante du gouvernement est indirecte ? La plupart des économistes citeraient les coûts de transactions. Donner des ordres à CostCo (ndt : chaîne de distribution) est bien plus facile que donner des ordres aux clients de CostCo. Mais cette explication n’est pas suffisante. Le gouvernement évite de nombreuses solutions économes pour s’en prendre directement aux individus. Par exemple, si le gouvernement voulait vraiment se débarrasser des fraudeurs, il pourrait payer une récompense pour chaque dénonciation. N’importe qui embauchant une nounou illégalement ou ne payant pas ses taxes sur un achat à l’étranger passé sur Internet devrait regarder par-dessus son épaule jour et nuit. (Imaginez combien de récompenses un éboueur pourrait récolter !) Tant que ces infractions débouchent sur des amendes, une armée de délateurs ne coûteraient pas un centime au gouvernement.

Si cela vous paraît draconien, vous êtes en plein dans mon histoire préférée. Les gouvernements se reposent sur la coercition indirecte parce qu’ils savent qu’une coercition directe est perçue comme brutale et injuste. Si un américain moyen voyait la police enfoncer la porte d’un individu pour arrêter une nounou non déclarée et les parents qui l’ont embauchée, moralement il se placerait de leur côté. Si un américain moyen voyait des régulateurs confisquer du lait expiré à un individu, il se placerait de son côté. Si un américain moyen voyait son voisin dénoncer un individu pour avoir échappé aux taxes douanières en achetant un produit sur Internet, il blâmerait le voisin, pas l’individu. Pourquoi ? Parce que chacun de ces cas déclenche l’intuition de sens commun que l’on se doit de laisser tranquille les gens non-violents.

Utiliser la coercition indirecte est une astuce du gouvernement pour anesthésier notre intuition morale. Quand le gouvernement force CostCo à collecter les cotisations sociales, l’Américain moyen ne le voit pas comme un groupe de personnes violant leur devoir de laisser les autres tranquilles. Pourquoi ? Parce qu’ils voient CostCo comme une « organisation » inhumaine, et non un « groupe de personnes travaillant ensembles » tout à fait humain. En clair, la duperie du gouvernement est de rediriger sa coercition vers des acteurs cruciaux déshumanisés comme les entreprises (et les étrangers, mais ne me lancez pas sur ce sujet). Le gouvernement peut alors contraindre les entreprises à refuser aux individus une grande variété d’options, sans passer pour une petite brute ou un fouineur.

Bien sûr, si le public intégrait totalement les implications du sens commun, les ruses du gouvernement s’effondreraient. Le public regarderait l’immense majorité des régulations des entreprises et dirait « Donc, un groupe de personnes utilise ses propres compétences et ses propres ressources pour faire de l’argent. En quoi cela invalide votre devoir de laisser les gens non-violents tranquilles ? »

Oui, le gouvernement est connu pour contredire clairement le sens commun. Le service militaire est un exemple criant. Le sens commun nous dit « Ton corps, tes choix. » Le service militaire dit « Ton corps ? Où as-tu trouvé cette idée perfide, soldat ? » La plupart du temps pourtant, les gouvernements préfèrent la solution de la moindre résistance. Au lieu de nier le devoir de laisser les gens non-violents tranquilles, le gouvernement exploite une énorme faille : nous sommes tout à fait libre de contracter n’importe quel échange avec des entreprises que le gouvernement a autorisé.

De nombreux libertariens trouveront cela déprimant, mais ils ne devraient pas. L’hypocrisie est le célèbre hommage que le vice rend à la vertu. La préférence du gouvernement pour une coercition indirecte est l’hommage que l’étatisme rend à la liberté. Les libertariens n’ont pas à convaincre que la coercition est mauvaise. Il faut juste convaincre que la coercition indirecte est une coercition des individus.

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Sur  le web - Traduction Manudwarf/Contrepoints

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