Le moins que l'on puisse dire, c'est que le nouveau président iranien a fait fort pour ses débuts, du moins en ce qui concerne la politique étrangère. Cela fait à peine quelques semaines qu'Hassan Rohani vient d'être investi, et déjà, il a reconnu la Shoah (que niait systématiquement son prédecesseur), fait des ouvertures sur le dossier du nucléaire iranien, et même discuté avec le président américain, ce qui n'était plus arrivé depuis 1979. Voila au moins un politique de premier plan qui à l'international tient toutes ses promesses. De quoi faire des envieux dans nos contrées.
Pourtant au délà de ces débuts prometteurs et alléchants, il convient de rester méfiant. L'actualité récente, en Tunisie, en Egypte voire en Turquie nous a rappelé qu'il n'y avait pas d'islamisme modéré, que ce n'était qu'une invention médiatique. De même plus largement, l'épisode du mariage gay en France est venu comme une piqûre de rappel nous redire que ce qui réunissait les intégristes de tous bords, c'était d'abord et avant tout leur intolérance. Et puis surtout, l'histoire de l'Iran et de la révolution islamique incitent à la prudence.
Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui en Iran, il faut revenir quelques années en arrière. En 1997, pour commencer. Cette année-là fut l'élection au poste de président de la République Islamique d'Iran, de Mohammed Khatami. A l'instar d'Hassan Rohani, il était un chantre de la tolérance et de la liberté d'expression, ce qui au passage indique que la soif de liberté et d'ouverture des Iraniens ne date pas d'hier. Seulement, pendant les 8 années de son mandat, rien n'a bougé ou presque. Ni sur le plan international, ni sur le plan économique, l'isolement du pays étant maintenu. A cela, il y a une raison essentielle : le parlement contrôlé par les plus conservateurs, et le guide suprême de la révolution, ont bloqué toute tentative d'assouplissement du régime.
L'échec de la présidence Khatami aboutira à l'élection en 2005 du très conservateur Mahmoud Ahmadinejad. C'est un formidable repli sur soi que connaitra alors l'Iran. Sur le plan intérieur, il y aura une importante récession économique. Quant à l'international, le règime va se durcir terriblement au point de mettre encore plus l'Iran au ban des nations. En 2009, il sera pourtant réélu, mais c'est aussi cet épisode électoral sans précédent qui annoce l'élection d'Hassan Rohani.
La réélection de Mahmoud Ahmadinejad va être fortement contestée dans la rue. Pendant plusieurs semaines, des centaines de milliers d'Iraniens vont manifester, tant les soupçons de fraude massive sont évidents. Le peuple iranien est alors en train de se faire voler l'élection. Il faut bien rappeler, que ce que l'on a appelé le printemps arabe en 2011, a commencé 2 années avant dans un pays qui n'était pas arabe.
Le règime va réussir à maintenir Mahmoud Ahmadinejad au pouvoir pour quatre années supplémentaires. Cependant, Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution comprend que la rupture avec le peuple est profonde. 4 ans plus tard, il soutiendra la candidature, puis l'élection d'Hassan Rohani. Pour l'instant, il laisse faire, mais jusqu'où et pour combien de temps. Hassan Rohani dans posture d'ouverture fait beaucoup penser à un certain Mikhael Gorbatchev. Comme lui, il essaie de rompre l'isolement diplomatique de son pays. Comme lui, il est confronté à un marasme économique. Comme lui, il a en face de lui une population éduquée qui a soif de liberté. Mikhael Gorbatchev n'a pas réussi, et après lui ce fut le chaos puis un régime despotique. Espérons que l'avenir de l'Iran s'écrira autrement.