- NAAaaaan! J’veux PAAAAaaaasy aller! J’crois qu’j’ai trop d’la fièvre! Alors je pourrai pas être au top au contrôle de géo aujourd’hui.
- Moi non pluuuuus! Et puis c’est nul, l’école en plus. La maîtresse, elle fait rien qu’à nous embêter avec les maths et l’ortografe. L’est trop méchante! J’veux pas y aller! Ouinnnnnnnn! OUUUUUUUIIIIIIIIIIN!
Chalut les p’tits humains…
Bon, avant que je sorte les griffes et que je me la joue Wolverine sur vos frimousses, je vous laisse cinq secondes pour trouver une bonne raison à cet insupportable raffût, qui m’a dérangé pendant l’une de mes quarante siestes quotidiennes…
Non mais je rêve… Tout ça pour ça? Vous braillez comme des putois juste pour ne pas aller à l’école? Non mais ça ne va pas la tête?
Vous vous rendez compte de la chance que vous avez de pouvoir suivre des études, d’apprendre à lire, écrire, compter, de découvrir les choses de la vie, d’accumuler les connaissances?
D’accord, on vous force à apprendre des trucs qui vous semblent inutiles de prime abord. Mais cela vous sera probablement plus utile que de rester avachis devant la télévision à regarder des dessins animés crétins…
Et puis, vous savez que sur la planète, il y a des milliers d’enfants qui rêvent d’avoir la chance d’aller à l’école un jour? Oui, il y a plein d’enfants qui feraient tout pour être à votre place, et qui envient les conditions confortables de votre accès à l’éducation et à la culture.
Pour que vous puissiez réfléchir à tout ça, je vous conseille fortement de découvrir Sur le chemin de l’école, le très beau documentaire de Pascal Plisson.
Vous y ferez la connaissance de Jackson et Salomé, de Zahira, Zineb et Noura, de Carlito et Michaela, de Samuel, Gabriel et Emmanuel, des enfants qui ont à peu près vos âges, entre cinq et douze ans, et qui ne se plaignent jamais de devoir aller à l’école. Et pourtant, ils auraient, eux, des raisons valables de le faire, vu le parcours du combattant que représente chaque trajet entre leur domicile et la salle de classe.
Jackson, dix ans, habite dans un petit village kenyan, au coeur de la savane. Chaque matin, sa petite soeur et lui se lèvent à 5h30 pour parcourir, à pied, les 15 km qui les séparent de l’école. Ils emportent chacun un bidon d’eau, que Jackson a été puiser lui-même, à même le sol, car dans ce coin reculé du Kenya, il n’y a évidemment pas d’eau courante. Leur chemin change chaque jour, en fonction des groupes d’animaux qu’ils croisent en chemin. Les éléphants, notamment, peuvent se montrer agressifs et dangereux. Jackson veille sur sa soeur, la rassure, la motive pour continuer à avancer… Il leur faut 2h pour effectuer le trajet.
Carlito, onze ans, vit en Patagonie avec sa famille. Il est lui aussi chargé d’emmener sa petite soeur à l’école, 18 km plus loin. Eux ont la chance d’avoir un moyen de locomotion : un cheval. Pour autant le voyage n’est pas une partie de plaisir, car le climat local est plutôt froid et venteux, et la route est très rocailleuse, avec des portions glissantes compliquées à négocier. Souvent, Carlito doit s’arrêter pour déloger les cailloux logés sous les sabots du brave cheval qui les transporte. Il mettent 1h30 pour se rendre à l’école.
Et que dire de Zahira et ses copines… Pour avoir accès à l’éducation, ces jeunes filles berbères de douze ans doivent parcourir 22 km, sur les routes montagneuses du Haut-Atlas marocain, essentiellement à pied et comptant sur la gentillesse d’un éventuel automobiliste pour les avancer un peu jusqu’à l’internat, où elles sont logées pendant la semaine. Rares sont ceux qui acceptent de les emmener, mas elles prennent leur mal en patience. Il leur faut généralement quatre heures pour arriver jusqu’au foyer…
A côté, Samuel, un jeune indien de onze ans, pourrait passer pour un privilégié. Il n’a “que” 4 kilomètres à parcourir. Seulement voilà, le garçon est né avec un handicap physique qui l’empêche de marcher. Il ne peut pas se déplacer seul. Ce sont ses deux jeunes frères, Gabriel, 5 ans, et Emmanuel, 8 ans, qui sont chargés de l’emmener à l’école, en poussant son “fauteuil roulant”, si on peut appeler comme ça l’espèce de chaise de camping montée sur deux roues de vélos rouillées sur laquelle évolue Samuel. Et, dans cette région du sud de l’Inde, au bord de la Mer du Bengale, le chemin n’est pas du tout adapté à une chaise roulante. Le sol est un mélange de terre et de sable, et il y a de nombreux segments inondés. Les trois garçons mettent environ une heure et quart pour arriver à bon port…
Evidemment, il faut aussi compter le temps du voyage retour pour réaliser l’ampleur des efforts fournis par tous ces enfants pour aller à l’école. Et une fois qu’ils sont rentrés à la maison, la plupart d’entre eux aide leurs parents à accomplir les tâches domestiques. Le petit Jackson nettoie lui-même son uniforme scolaire, se fabrique ses propres chaussures, aide ses parents à fabriquer du charbon ou à chercher de l’eau. Zahira aide à la lessive et s’occupe de sa grand-mère. Carlito s’occupe des chèvres et des chevaux avec son père. Samuel fait la lecture à ses frères.
Ils ne se plaignent jamais, ne cherchent jamais à esquiver leurs responsabilités.
Bien sûr, par moments, ils ressentent de la fatigue, mais ils ne cèdent jamais au découragement. Ils veulent aller à l’école à tout prix, parce qu’ils savent que cet endroit est la clé de leur futur, le passeport pour une vie moins rude que celle de leurs parents, et parce que ces derniers consentent à d’énormes sacrifices pour leur offrir cet accès à l’éducation. L’école a un coût. Soit il faut payer des frais d’inscription qui ont un impact sur le budget de ces familles modestes, soit les enfants amènent des cadeaux à la communauté, à l’image de Zahira qui se trimballe avec une poule dans son sac, au milieu des cahiers.
Alors les enfants vont à l’école de bon coeur. Et une fois sur place, ils redoublent d’efforts pour apprendre et accumuler les connaissances.
Et le plus épatant, c’est qu’ils font tout cela dans l’optique d’apporter quelque chose à leur communauté. Ils veulent devenir médecins, vétérinaires ou enseignants, pour aider à leur tour d’autres enfants à accéder au savoir.
Prenez-en de la graine, p’tits humains. Et vous aussi, les grands… Quand vous râlerez contre les retards de trains ou de métro, contre les rames bondées,les embouteillages, pensez un peu à ces gamins qui courent dans la savane au milieu d’une faune hostile, qui voyagent dans des bétaillères ou qui crapahutent dans les montagnes, cela vous fera relativiser un peu…
Ces enfants vous donnent ici une véritable leçon de vie et d’humanisme. Comme le souligne le cinéaste au début du film, ils sont les héros de leurs propres histoires, mais ils sont aussi des héros tout court, sources d’inspiration et d’espoir, porteurs des rêves de leurs peuples respectifs.
Ils sont terriblement attachants et bouleversants, comme l’est le long-métrage de Pascal Plisson.
Oh bien sûr, il y aura toujours quelques grincheux pour pinailler sur les choix artistiques du cinéaste : la bande-originale omniprésente, les péripéties qui semblent feintes, comme l’attaque des éléphants, le choix de ne montrer que des exemples de réussite scolaire…
Mais ne les écoutez pas et partez en toute confiance Sur le chemin de l’école à la rencontre de Jackson, Salomé, Zahira, Zineb, Noura, Carlito, Michaela, Samuel, Gabriel, Emmanuel et de leurs proches. Nul doute que vous sortirez grandis de ce voyage et de cette projection.
C’est bon là? Vous êtes calmés?
Bon, je retourne à ma sieste. Hé ho, vous croyez quoi, c’est dur une vie de chat…
Plein de ronrons,
Scaramouche
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Sur le chemin de l’école
Réalisateur: Pascal Plisson
Avec : Jackson, Salomé, Zahira, Zineb, Noura, Carlito, Michaela, Samuel, Gabriel, Emmanuel…
Origine : France,
Genre : film de héros super
Durée : 1h15
Date de sortie France : 25/09/2013
Note pour ce film : :●●●●●○
Contrepoint critique : Télérama
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