Plus de dix ans après les adieux irrévocables d'Ulrika Von Glott aux Folies Bergère, un passage remarqué en tant que jurée dans le talent show d'une chaîne privée, un album et quelques expériences théâtrales globalement heureuses (passons outre le désastreux Rabbi Jacob), la diva qui n'a pas la langue dans sa poche nous revient avec un (presque) seule en scène et un nouveau personnage encore en développement, mais prometteur, auquel elle a offert une partition de qualité, divertissante, parfois hilarante. C'est un peu frais pour le moment, mais gageons qu'avec le temps Miss Carpenter connaîtra le même destin que feu Ulrika.
Actrice octogénaire outrageusement liftée et botoxée, ayant connu son heure de gloire à Hollywood dans les années soixante (elle aurait même reçu un Oscar), Miss végète et s'alcoolise entourée de ses boys-domestiques et de son chien empaillé dans un 600m2 du XVIème arrondissement de Paris. Plusieurs décennies, en effet, que le cinéma n'a fait appel à ses services. Un matin pourtant, le coup de fil d'un certain Paul Emploi, menaçant de l'"irradier" l'oblige à reprendre le chemin des castings et auditions. Pour conserver son train de vie, elle va tout tenter. Figuration (recalée pour le rôle d'une morte), héroïne de série télé (Ah, Séraphine l'ange gardien qui claquerait bien les gosses...), animatrice radio, publicités pour les couches seniors et assurances obsèques...
Avec Sébastien Marnier, Marianne James a imaginé des situations inédites, drolatiques, barrées, se mêlant à une poignée de séquences musicales. Sébastien Blanc et Nicolas Poiret (deux auteurs dont vous découvrirez "Même pas Vrai" en janvier au Saint-Georges) les ont rejoints pour jouer les script doctors. Si une ou deux coupes seraient judicieuses, ce travail à huit mains se révèle payant. Construction irréprochable, bon tempo, plume vive, espiègle, piquante, délicieusement trash.
Sur le papier, le personnage égocentré, haut en couleurs, se tient plutôt bien. C'est au niveau du rendu scénique que cela se complique un peu. Ayant probablement souffert d'être longtemps restée cachée derrière le maquillage excessif d'Ulrika, Miss James ne procède qu'à une timide composition et transformation. Une perruque ne peut tout faire... On peine par exemple à percevoir le grand âge de la dame. On aimerait deviner un lifting aux coutures fragiles, une arthrose prononcée, une surdité gênante, davantage en décalage avec son apparente jeunesse... Par ailleurs, phrasé et intonations restent encore trop proches de la Marianne que l'on connaît (et que l'on aime !). Tout cela devrait, et devra donc s'affiner au fil des représentations qui ne font que démarrer, rappelons-le.
Enfin Eric-Emmanuel Schmitt et Steve Suissa dirigent pour leur part les opérations avec une sagesse et un bon goût qui ne servent pas forcément les délires de l'artiste. C'est carré, certes, mais plus de folie ne nuirait pas. "Lâchez la bride !", a-t-on envie de crier à cette fine équipe. Osez ! Les échanges avec ses partenaires-choristes-danseurs-accessoiristes (qui font du bon boulot mais que l'on aurait fantasmés plus dévêtus, plus bodybuildés pour être raccord avec leur rôle d'"objet") pourraient ainsi prendre de l'ampleur.
Ceci étant posé, le bagout, l'abattage, et l'indéniable force comique de Marianne James assurent un show déjà efficace et recommandable, même si nous vous suggérerons d'attendre quelques semaines avant de vous rendre au Rive Gauche.
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Photo : Fabienne Rappeneau