Je ne sais plus s’il faut parler de nouveauté, de scoop ou de buzz, à moins que ce soit un simple marronnier dont la presse a le secret : «44 % des foyers fiscaux ont vu leur impôt sur le revenu augmenter en 2013» annonce le journal Le Monde ce matin. En fait, cela fait bien quelques semaines, quelques mois, plus d’une année même ou aucun jour n’échappe à un titre accrocheur ou une déclaration ravageuse d’un homme politique sur la hausse honteuse des impôts.
Je fais donc partie intégrante de cette catégorie, car ma contribution aux charges de l’Etat a effectivement augmenté cette année. Et avant qu’Alzheimer me gagne, il me semble bien que c’était le cas l’an passé, et le précédent aussi. Pour faire court, cela fait au bas mot 32 ans que je paye des impôts, et que la somme que j’abandonne au Trésor Public est chaque fois plus importante. D’un côté, je pourrais ainsi, moi aussi, faire un titre ravageur sur l’escroquerie manifeste et continue de l’Etat spoliateur. Mais de l’autre, il faut reconnaître que s’il en est ainsi, c’est que je gagne ma vie, que je participe à la vie de la cité à la hauteur de mes revenus dans un système qui, à priori, est redistributif envers ceux qui n’ont pas ma chance…
Comme toujours, de l’angélisme à la réalité, il y a un gouffre. Et l’amalgame n’est pas loin. Les margoulins pullulent, avec des fortunes diverses. Entre les profiteurs inévitables, les escrocs à la petite semaine, qui tient parti de tout ce qu’ils peuvent (8 à 10 milliards d’euros par an) et les spécialistes de l’optimisation fiscale, l’autre nom de la fraude fiscale (60 milliard d’euros par an, rien que pour la France, estimation basse), tous exploitent les failles d’un système ou l’on a sciemment dépouillé les services de contrôles. La nature, qui a horreur du vide, aidé en cela par l’état de crise perpétuel, a fait le reste.
Et pourtant, sur le papier, quelle belle idée que celle où l’on contribue équitablement aux charges de la nation à hauteur de ses revenus et de ses charges par une progressivité alambiquée. Une quasi utopie qui a plus ou moins bien fonctionné pendant les 30 glorieuses avant que le gratin de la société conservatrice y trouve ombrage au lendemain du premier choc pétrolier, puis avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. Depuis, le consentement à l’impôt a été mis à rude épreuve, avec pour point d’orgue, les lois assez incroyables permettant aux premières fortunes du pays de se faire remettre de la part du trésor public des chèques libellés en millions… Et ce, en pleine déconfiture économique !
En cette période, je trouve malvenu tout ce tapage. Surtout quand on voit d’ou il vient. N’allez pas croire cependant que je saute de joie, que je remets mon obole à mon percepteur en lui faisant une bise sur le front. Si la France en est là, si le gouvernement Ayraud est contraint à cette extrémité, à la veille d’une échéance électorale importante, c’est qu’il faut, entre-autre, payer les dettes de bringues et de jeux de l’équipe précédente. La aussi, il faudrait veiller à ne pas l’oublier, et se rappeler d’ou l’on vient.
Pour revenir au sujet, si seulement 44 % des foyers ont vu leur imposition grimper, cela signifie, à la manière de Jean-François Copé commentant un taux de grévistes, que 56 % paient moins d’impôts que l’an passé. Mais bizarrement, ce chiffre ne suscite aucune observation. Pour ma part, la somme à payer est en progression constante. C’est ainsi. Mais dans ce maelström de chiffres, il y en a un qui, pour la première fois en 32 ans, a baissé. C’est le montant que j’ai déclaré en rétribution pour 2012 comme fonctionnaire d’Etat.
Comme quoi tout arrive.