Quelques nuages joufflus comme des angelots osent s’aventurer dans le ciel aux larges plages d’un bleu d’azur. Les avions, eux, le sillonnent avec superbe à près de dix mille mètres d’altitude. Madrid, Rome, Francfort, l’Amérique même ainsi que l’Asie. Et je me dis que, décidément, l’homme est considérable. La femme aussi d’ailleurs mais là n’est pas la question puisque l’on parle, ici, du genre humain en général. J’ai déjà été amené à conter, dans de précédentes chroniques, les aventures d’Adam et Ève dans leur magnifique propriété classée depuis la plus haute antiquité au répertoire des jardins admirables. Je n’y reviendrai pas. L’homme, donc, est considérable. Et d’autant plus à l’aune de son intelligence et de ses réalisations. Elles surpassent généralement celles des autres hominidés vivant ou ayant vécu sur la terre. Australopithèques graciles ou robustes, rudolfensis, heidelbergensis ou même néanderthalensis, tous ont précédé sapiens sur terre. On ne leur connaît pas de Tours Effel ni de Lignes à Grande Vitesse et moins encore de Michel Houellebecq ou de Philippe Sollers. Bonobos, chimpanzés ou gibbons côtoient l’homme d’aujourd’hui. Nul n’a encore rencontré leurs Fonctionnaires de l’Agriculture, leurs Préposés à la Distribution du Courrier ou leurs Contrôleurs du Gaz National. Il est donc incontestable que l’homme est le plus considérable des hominidés. Une faille vient cependant d’être constatée dans ce postulat. Madame Marina Davina Ross est une scientifique, à la fois primatologue et psychologue, et elle exerce ses talents de chercheuse en gélotologie à Portsmouth. En 2008, elle est parvenue à soutirer une dotation au comité de répartition des fonds de soutien à son université pour analyser les réactions de bébés humains et de jeunes gorilles, bonobos, chimpanzés et orangs-outangs aux chatouilles. Le projet était hardi. Seuls des Anglais pouvaient réunir assez d’humour pour le financer. On le leur reprochera sans doute un jour. En effet,titillés sur la paume de la main, la voûte plantaire, les aisselles et le cou, les cobayes ont ri. (Plus de huit cents enregistrements en font foi). Les bébés d’humains ont ri.Les bébés gorilles, bonobos, chimpanzés et orangs-outans aussi. Aristote avait exprimé l’idée que le rire est le propre de l’homme. Henri Bergson en avait fait l’objet de trois articles philosophiques dans la Revue de Paris. C’est assez dire combien l’affaire est sérieuse. Et d’autant plus sérieuse qu’il semblerait que tous les hominidés rient ainsi depuis neuf millions d’années. Nul doute que, s’ils l’apprenaient, les gorilles, bonobos, chimpanzés et autres orangs-outans s’engouffreraient dans la brèche ainsi ouverte dans la suprématie de l’homme. Imaginons qu’un nouveau Marc Lévy se révèle parmi eux ? Ou même une nouvelle Erika Léonard ou un Fabien Marsaud ? On voit par là que, dorénavant, le monde ne pourra plus tourner comme avant.
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