26 septembre Ultime Ce serait sa dernière promenade. Il le sentait. Ses artères aux trois-quarts bouchées ne lui permettraient pas plus. Aimé, mon beau-père, le second mari de ma mère voulut être accompagné des gens qu'il aimait, ma mère fut absente ce jour-là pour une raison que j'ignore. Il avait neigé toute la semaine mais, était-ce un miracle, ce matin le ciel était d'un bleu pur sur la chaîne blanche du Vercors. Renseignements pris la route était praticable. Une heure et demie plus tard nous étions au pied du col. Nous nous harnachâmes comme pour l'Annapurna. Aimé était entouré de quelques-uns de ses enfants, d'un gendre de mon frère et moi. La première montée, en travers de la pente, était raide, elle aurait suffi à elle seule à terrasser le cœur d'Aimé. Mais il savait. Parvenus à la crête nous soufflâmes, nous autant que lui. Thé chaud. Paysage de rêve, blanc à l'infini sol crevassé paysage à se perdre dix fois. Nous attaquâmes la descente, cinq cents mètres de dénivelé, onze heures un vent glacial soulève la poudre et nos visages sont bientôt pris dans la glace. Casse-croûte à l'abri d'un rare sapin. La randonnée devait durer six heures. Nous arrivâmes à la nuit tombée... Ce fut sa dernière promenade…
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