Je suis tentée d’immédiatement de faire allusion au premier roman, La Dévorante, cette œuvre fondatrice d’un style, celui de Lynda Dion. Des mots qui déboulent, sortent par jets, se figent, repartent de plus bel pour se jeter à corps perdu dans une émotion. Sans accent. À vous de les ajouter, si ça vous tente.
LA maîtresse cible une seule et même personne, l’auteure elle-même qui ne s’en cache nullement. LA dévorante est toujours présente, ne s’efface pas devant ce portrait de maîtresse.
Lynda Dion est elle-même maitresse d’école de métier, mais de vocation, elle en doute aussi régulièrement qu'intensément. Je m’attendais à des confidences poussées, sans censure, sur cette profession ardue par les temps qui courent. C’est ce dont il s’agit mais, surprise, ont été intercalés des chapitres sur le geste d'écriture du livre La maîtresse. Elle y relate ses rencontres en processus d’édition avec son directeur littéraire, s’y ajoutent des confessions sur ses doutes, ses tiraillements, ses crises d’identité qui se résument en cette cuisante question ; est-elle une écrivaine à part entière ?
Mes chapitres préférés vont pour ceux traitant de sa tâche de maîtresse. Les profs doivent maintenant mener leur classe avec autorité, sans jamais égratigner les susceptibilités des jeunes. Une réalité différente de ce que j’ai vécue durant mes études, delà mon intérêt. On y retrouve plusieurs anecdotes éloquentes, partant de l’étudiant qui exige trop d’attention à celui qui n’en exige pas assez.
Par ma lecture de La Dévorante, je savais Lynda Dion capable de poser un regard sévère vis-à-vis elle. Avec La maîtresse, j’irai plus loin, elle éprouve un plaisir évident à creuser les tréfonds de son être, pour repérer et ensuite dévoiler ses torts et retors.
J’aime les confidences, j’aime l’audace de l’impudeur, pourquoi cette fois-ci, y ai-je pris moins d’intérêt ?
Les chapitres consacrés aux doutes reliés à l’écriture, interposés à ceux de la maîtresse, m’expulsaient des ambiances qui tentaient de s’installer. Quand je commençais à prendre mes aises, j’étais stoppée de l’action par cet éclairage des coulisses de l’écriture, ce qui a fini par diluer ma concentration. Scruter en même temps que l’auteure cet angle prédominant, la torture par le doute et ses continuelles et lancinantes remises en question. Vérifier avec elle pourquoi le moteur n’embraye pas, visiter ses inhibitions, ses réticences. S’attarder sur les freins, jusqu’à ce que le moteur de l’action toussote. Ces freins ont malheureusement fini par freiner mon intérêt pour le vécu brut de la maîtresse.
L’auteure gratte chaque geste qu’elle pose en tant que maîtresse, se remet inlassablement en question, fait ressortir des boule-à-mites les affres de son enfance, l’introspection est déjà amplement présente. Les chapitres sur la remise en question de celle qui se remet en question, le doute du doute a fini par sonner plaintif à mes oreilles. Un peu comme la crème fouettée, c’est délicieux en torsade sur le sommet d’un dessert, mais engloutie par larges cuillères de bois, ça peut lasser les estomacs les plus solides.
À moins que ce soit le manque de recul face à ce fameux doute, cette émotion torturante à celui qui le fait entrer à pleine porte. Et ce n’est pas parce que je ne prise pas l’émotion, je m’en approche avec plaisir et confiance, cependant, j’ai appris que le recul face à une émotion est salutaire pour la transmettre d’une manière captivante.
Peut-être y a-t-il également mon malaise devant l’auteure submergée, optant pour ne rien camoufler de ses démons intérieurs. J’en arrive à sentir une impression semblable à celle que j’ai devant une téléréalité, allant jusqu'à me questionner sur la part d'exhibitionnisme.
Si un autre « LA.... » est publiée par Lynda Dion, je m’empresserai de la revisiter, surtout si elle n'expose pas les coulisses de ses peurs, celles-ci étant déjà suffisamment percevables à chaque ligne.