« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission »
Depuis la fin du plan de restauration et de conservation de l’ours brun 2006-2009, nous avons eu droit, en 2010-2011 :
- à des promesses de remplacement non tenues,
- à un dépôt de plainte contre la France pour défaut de protection de l'ours dans les Pyrénées,
Ensuite, en 2012-2013:
- au lancement d’une procédure d’infraction, puis d’une mise en demeure,
- à une demande des associations de lâchers deux ours, demande qui a été refusée pour cause de "dossier incomplet". (Que fait-on en cas de panne du véhicule sur l'autoroute?) Une excuse qui fait suite à la "sécheresse en Béarn".)
L’Etat, aussi bien les autorités préfectorales que les ministres ont gardé le silence sur l’escalade de la violence et la surenchère des pastorâleurs :
- deux battues illégales d’effarouchement de l’ours Cannellito : pas de réaction,
- une demande de retrait des ours des Pyrénées : silence radio,
- des menaces et des insultes envers les agents de l’Etat, pas de communiqué de soutien,
- des menaces d’abbatre les ours, dans la presse papier et TV, un sanglier sur le feu.
Ceci n'est pas une négociation
Vulgarité et extrémisme des propos
Et voilà qu’après l’épisode du dérochement de l’estive de Pouilh en Ariège. (Lire: "Dérochement : ils cherchent l'ours sur l'estive de Pouilh à Salau" et "Des figues molles et des marshmallow"), l’Etat sort un peu, mais enfin, de son silence par la bouche de la préfête de l’Ariège qui “s’insurge contre l’attitude des anti-ours”, à la bonne heure!
A propos de l’estive de Pouilh, la préfête a dénoncé « les individus qui ont accueilli de manière déplorable des agents, qui grâce à leur sang froid et à leur sagesse ont pu aller au bout de leur mission sans répondre aux invectives et aux menaces.» et « les insultes et les menaces à l'égard d'agents dépositaires de l'autorité publique ne sont pas acceptables » avant de mettre en cause des « comportements vulgaires et irrationnels ».
À propos de la responsabilité de l’ours pour ces dégâts: « l’ONCFS a constaté que les brebis mortes n'avaient pas été agressées directement par le plantigrade. Mais, faute d'avoir pu expertiser les alentours, ils n'ont pu exclure ou conclure à une présence de l'ours qui aurait effrayé le cheptel. La règle dans une telle situation est que le doute profite à l'éleveur et qu'il soit indemnisé ».
Une fois de plus, ceux qui crient le plus fort gagnent "au bénéfice du doute". Le doute s'appelle extrémisme pastoral, une histoire de pression à relâcher sans doute. Du côté des "éleveurs" pluri-actifs ariégeois, l’objectif de cette manifestation est atteint: le berger sera dédommagé, les brebis seront imputées sur le compte de l'ours qui a le dos large.
" Des groupes de travail "
Nathalie Marthien : “Je veux des groupes de travail malgré tout restreints, mai qui puissent être bien représentatifs de tout ceux qui ont a voir dans le sujet du pastoralisme et de ses difficultés, nottament liés à l’ours et j’espère qu’on pourra effectivement avoir des propositions d’ici la fin du mois de mars. On a dix estives qui sont particulièrement concernées, où se concentrent les ours. On va essayer, dans le cadre de ce groupe de travail, de faire des diagnostics plus fins de ces estives pour arriver à trouver des mesures d’accompagnement plus adaptées ou en tout cas de cibler les mesures d’accompagnement sur celles dont on verrait qu’elles seraient les plus efficaces.”
Tel le phénix, le GNOP Groupe National Ours Pyrénées va-t-il renaître de ses cendres sous le nom de « groupes de travail » ? On peut se poser la question de savoir si le gouvernement désire vraiment avancer sur ce dossier? Il doit respecter ses engagements européens sous peine de voir l’Europe répondre à la plainte qui a été déposée contre la France.
« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission » disait Clémenceau. On en est là.
La mise en place compliquée de ces groupes de travail risque de prendre du temps, mais n’est ce pas ce que cherche le gouvernement : gagner du temps, laisser pisser les moutons, laisser s'entûter les ours jusqu’en 2014 et tabler sur une reproduction naturelle mais consanguine? Mais la viabilité est exclue du raisonnement purement quantitatif des ministres successifs: Tant qu'il reste des ours! Les ours montent bien aux arbres, alors quelle importance si Pyros fornique avec ses filles, ses petites filles et les deux à la fois? Aucune.
Pour ces groupes de travail, les "éleveurs" pluri-actifs vont être mis devant leurs responsabilités. Ils en ont l'habitude, ils se tirent à chaque fois. Vont-ils, comme toujours les éviter et pratiquer la politique de la chaise vide? C’est peut-être justement ce qu’espère le gouvernement: laisser pourrir la situation, histoire de ne rien avoir à décider, ménager la chèvre et le chou, surtout la chèvre, et laisser faire les ours tout en gardant la face au yeux de l’Europe. « On aura tout essayé » dira François Hollande, alors qu’après son " L'environnement, ça commence à bien faire!", Nicolas Sarkozy avait dit « Nathalie, tu nous emmerdes avec ton ours!».
Mme Nathalie Marthien, qui a pris ses fonctions en août, souhaite "un débat pacifié" dans le massif. Un voeux pieux au vu des ressources inépuisables en menaces, injures, actions illégales et soutiens politiques locaux (et la presse locale pieds et poings liés, dépendant des "commandes" et du bon vouloir du Conseil Général) dont disposent l’ultrapastoralisme français au abois. Ils sont en guerre. Ils veulent mourir après l'ours, ils mourront en même temps.
Mme Nathalie Marthien annonce "la création de groupes de travail constitués par des acteurs de la profession dont les préconisations pourraient être appliquées à la prochaine saison d'estives, en 2014."
Un hiver de gagné! Et si Laurent Garde, comme il l’a déjà fait pour le Groupe National Ours continue a plastiquer les “négociations” en sous main et à proposer des “peaux de bananes” aux stratéges de l’ADDIP Ecology, on est parti pour une nouvelle usine à gaz chère à Clémenceau.
“Ces groupes réfléchiront notamment aux moyens de mieux adapter les mesures existant en faveur des éleveurs à la dizaine d'estives où se concentrent les attaques des ours”. Mais des mesures de protection, les éleveurs de l'ADDIP n’en veulent pas. “Ils n’en veulent pas” comme dirait "Jean le marcheur".
“Ce sont toujours les mêmes éleveurs qui subissent les difficultés, je n'oublie pas leurs souffrances et leur désespoir”. Les estives les plus touchées, que ce soit en Ariège ou dans les Hautes-Pyrénées sont chaque année celles qui refusent moyens de protection et cohabitation. On va tourner en rond, le grand cirque est reparti.
Et même si les éleveurs, bergers, boucher et hommes politiques locaux qui étaient sur l’estive de Pouilh pour injurier les agents de l’Etat en prennent pour leur grade (ils ont reçu une gomette rouge)...
- « les brebis ont déroché et aucune trace d’agression de l’ours sur elles n'a été constatée»
- « l’attitude vulgaire et irrationnelle d’éléments extérieurs aux éleveurs pendant l’expertise est déplorable. Les faits sont graves et inacceptables»
- « Je renouvele ma confiance envers les agents de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage ».
...cela ne nous rendra ni Cannelle, ni confiance en l’Etat, en son (ses) ministre(s) de l’écologie et en son président qui a dit en son temps: « La position du parti socialiste est claire. La France se doit de respecter ses engagements internationaux (convention de Berne et Directive habitats) quant à la préservation de la biodiversité que nous défendons sans réserve. Cette nécessité est devenue urgente en ce qui concerne les ours depuis la disparition de Cannelle […] Nous avons par ailleurs dénoncé l'attitude des anti-ours à Arbas. ». Nuls, ils sont nuls!
L’Etat s’est laissé marcher sur les pieds. Les extrémistes pastoraux ne craignent plus rien. Ils ont pratiqué et pratiquent toutes leurs exactions en toute impunité. Pourtant on ne demande pas quelque chose d'extravaguant, juste le respect des lois!
«Je veux pacifier le débat et j’ai réuni hier les présidents de la chambre d’agriculture, de la FDSEA et du Conseil général pour dénoncer l’événement, oublier et passer à l’avenir». La FDSEA vient juste de mettre le souc dans le Parc du Morvan pour une histoire de clotûres servant à empécher les vaches de polluer les ruisseaux : inaceptable, selon eux!
La pacification du débat n’aura pas lieu sans une vraie reprise en main du dossier, un changement radical de politique. Le soutien au pastoralisme doit être conditionnel ou ne plus être. Rien n'a marché depuis 20 ans.
L’Etat sait ce qu’il y a lieu de faire, c’est écrit dans le rapport de l’ONCFS de 2009. Mais pour cela, il lui faudra du courage politique (je reste poli), et du courage, les hommes politiques n’en ont pas. Pauvre pays.
Dans les Pyrénées, le pastoralisme concerne 1.290 estives, 100.000 bovins, 570.000 ovins, 14.000 équidés et 25 ours consanguins.
Baudouin de Menten