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La recherche et l’innovation, préfiguration de l’union politique

Publié le 25 septembre 2013 par Loreline123

innovation21Au récent G20 de Saint Pétersbourg, on a parlé de PIB, d’échanges commerciaux, des monnaies, de lutte contre l’évasion fiscale, de stabilité financière… avec la question de la croissance comme gri-gri au service d’une gouvernance économique mondiale qui se cherche.
On pourrait gloser savamment sur la curieuse idolâtrie qui conduit à concentrer ainsi dans l’amulette de « La Croissance » tous les espoirs de l’humanité, et sur toutes les invocations paresseuses qu’elle engendre. Nous, on préfèrerait pointer ici les déficiences rationnelles qui en procèdent parce qu’on voit bien que La Croissance « parle » indirectement du sort des gens, de leur autonomie matérielle, de la liberté et de la dignité de chaque personne …
Selon nous, ces crispations internationales d’impuissance sont l’écho d’une double incapacité : une remarquable méconnaissance collective des caractéristiques organiques des liens de coopération et d’influence réciproque qu’entretiennent culture, éducation, formation, recherche, innovation et finance (CEFRIF  ne cherchez pas cet acronyme, vous ne le trouverez référencé nulle part ! ) à la source de toute croissance d’ordre économique, renforcée par une constante sous-exposition à la réflexion politique des enjeux et des défis que ces domaines et leurs liens renferment (et ce, du fait de la technocratisation généralisée des esprits, pour parler vite).
Mon propos prendrait-il la tournure d’un simple et banal « coup de sang » ? S’il devait donner cette impression, alors, à moi d’en défendre brièvement la pertinence et l’opportunité. Ce que je vais faire. Comme citoyen d’Europe.

Le 25 mai 2014, nous serons appelés à nous prononcer à propos des orientations souhaitables à donner au « bien commun européen » pour les 5 ans à venir. Ce que je souhaite partager ici avec les amis de « Sauvons l’Europe » et au-delà, c’est la conviction que nous ne devons plus cesser d’imaginer ensemble les voies et moyens de la promotion de l’union politique européenne. Tous domaines et questions confondus ! Dit autrement, et en me répétant volontiers : toutes les politiques publiques de niveau européen, subsidiaires ou non, ne devraient décliner qu’un seul méta-objectif, mais majeur : promouvoir l’union politique européenne.
Dans cette perspective, la difficulté récurrente qu’ont les instances européennes à concevoir des politiques articulées fonctionnellement entre culture, éducation, formation, recherche, innovation et finance (CEFRIF) me préoccupe plus particulièrement. Or, ces politiques sont attachées au cœur constitutif même des richesses, matérielles ou non, dont les G20 se donnent comme objet d’en réguler le cours au niveau international. Elles devraient donc être envisagées en priorité, élaborées ensemble, et j’ajoute, dans la perspective d’influencer le contenu même du concept « d’union politique européenne ». Or, comme un tel débat est aujourd’hui très insuffisamment controversé, voici, pour l’exemple que j’offre à la libre discussion les deux axes qui devraient, à mon sens, en inspirer la trame :
Viser l’égalité des chances entre tous les Européens et entre tous les territoires : cela implique de lutter prioritairement contre la polarisation spatiale toujours croissante des ressources et des richesses de toute nature (cf. le renforcement progressif depuis 30 ans de la fameuse « banane bleue », métaphore de l’espace bien connu des géographes allant grosso modo de Rotterdam à Milan en passant par Francfort, Zurich et Munich, espace dense qui contraste… avec le reste de l’Europe, futur désert continental !), et, pour ce qui concerne notre sujet, de lutter, en particulier, contre la concentration économique des ressources d’éducation supérieure, de recherche et surtout d’innovation et de financement, véritable insulte à l’avenir des différents peuples, cultures et individus en Europe – à leurs jeunesses, donc – , et, last but not least, machine invisible de grave « désunion politique » à venir !
Viser le long terme : cela implique de lutter prioritairement contre la polarisation temporelle toujours croissante depuis 30 ans de tous les acteurs autour du court terme en marquant, y compris à la face du monde, une « nouvelle préférence pour le futur ». Celle-ci s’affirmerait dans un modèle de développement durable, humain, solidaire et moderne. Or, n’est-ce pas le rôle spécifique des politiques d’éducation supérieure, de R&I (ie des recherches fondamentales ou finalisées) et d’orientation des ressources financières publiques et privées d’investissement, enfin, que d’inspirer fortement cette voie et de contribuer à la préfigurer (« en soi », naturellement, mais aussi au sein même de toutes les autres politiques de l’Union Européenne, que les compétences de ces autres politiques soient exclusives, partagées ou simplement d’appui), ce que ne fait pas du tout, dès sa construction même, le Programme « Horizon 2020 » en particulier ?
En creux, mon propos devrait commencer à inspirer aux « connaisseurs de la chose européenne » la conviction que les cadres sémantiques, épistémologiques et stratégiques actuels de la Commission Européenne (Compétitivité, Industrie, Services… par exemple) comme ceux du Parlement Européen, ne sauraient recevoir des objectifs politiques de ce genre sans être amenés à les dissoudre plus ou moins consciencieusement dans des logiciels de rationalité technique (pour parler en termes cognitifs) ou bien dans des schémas « ordo-libéraux » (pour parler en termes politiques).
Clairement, les PCRD (Programme-Cadre de R&D), en particulier, ne visent pas l’égalité des chances entre tous les Européens et entre tous les territoires, et – c’est un comble ! – ils ne visent pas le long terme: viser un « Horizon 2020 » en 2013 ou 2014, n’est-ce pas précisément convenir de fait qu’aucun horizon temporel ne saurait engager ? La dépolitisation des choix de R&I se lit aussi dans le nom de ce programme. Ils sacrifient ainsi toutes les jeunesses d’Europe ! L’outil même qu’ils constituent doit être publiquement discrédité, radicalement et sans tarder. Les PCRD sont des outils à bout de souffle, ils ne sauront plus illustrer des Projets de R&I à réalisation structurante suffisamment lointaine (au moins 2025-2030) articulés sur les autres politiques de l’Union ! De ce point de vue, ils ne font que transpirer de « tout l’esprit de la construction européenne [qui] vise à exclure ou du moins à marginaliser le politique », pour paraphraser Marcel Gauchet (revue « Au fait », n°3, sept. 2013).

De fait, trop occupée à parfaire son œuvre idéologiquement marquée du sceau d’une compétitivité fondée sur la compétition-concurrence entre Européens, l’actuelle Commission Européenne déclinante n’a su convaincre de sa capacité à anticiper les enjeux et défis associés à la perspective de l’union politique européenne. Or, quand la Commission ne sait plus figurer l’intérêt général européen, il convient, alors, d’aller chercher les plus lucides de nos pays au service de tous. Aussi, revient-il aux pays les plus « euro-volontaires » de politiser les domaines de la Recherche et de l’Innovation en révisant de fond en comble la « stratégie de Lisbonne ». Mais cette fois, ils doivent offrir leur chance à des stratégies intra-européennes coopératives, celles-là même qui ont tant fait défaut durant toute la décennie 2000, du fait principal de l’inconscience politique européenne de la plupart des grands pays de l’Union, dont la France, relayée par la Commission.
Quelle démarche nouvelle promouvoir ? Vraisemblablement une coopération renforcée – « voie royale de la progression de l’Union » (Henri Weber, « Europe. Pour un second souffle », Fondation Jean- Jaurès, août 2013) autour du cap d’un « développement intelligent, durable et inclusif » (introduit par ces « politiques CEFRIF européennes »). La France doit prendre l’initiative d’ici les élections européennes d’initier le mouvement en rassemblant le plus de pays possibles, ceux qui sont aujourd’hui enfin convaincus que l’engagement de la R&I dans un tel projet constitue un nécessaire anti-économisme qui prépare aux meilleures transitions économiques et sociales, et à la force collective, à condition d’être conçu pour et dans la diversité, pour et dans l’égalité des chances, enfin dans une profondeur temporelle qui scelle nos destins pour une nouvelle et longue période supplémentaire. La future Commission accompagnera alors ce mouvement, le complétera si nécessaire, le stabilisera, en veillant que l’excellence et la performance soient peu à peu au rendez-vous de ces nouvelles politiques et de leur cap.

Toute la créativité investie dans les recherches et les innovations sera de la sorte redéployée au service des jeunesses d’Europe, enrayant les déséquilibres spatiaux du point de vue de l’égalité des chances et les déséquilibres temporels du point de vue des engagements respectifs de chaque génération. Et d’abord la créativité d’un nouveau regard – spatial et temporel – sur la subsidiarité, technologie-clé des choix politiques en ce qu’elle équilibre, en dynamique, les décisions et les responsabilités.

Nous devons être prêts à dialoguer avec nos concitoyens européens et à engager la discussion sur ces sujets majeurs en les assurant, avant tout, que la dimension technique de ces problèmes sera, dans nos débats, subordonnée à la seule dimension politique : quelle union politique européenne ? Ce type d’engagement est non seulement souhaitable pour que vivent la capacité et la variété des choix en démocratie mais il est également indispensable pour résister à ceux – lobbies et experts – qui s’autorisent à fabriquer notre impuissance démocratique au gré de leurs certitudes fondées sur des intérêts ou des compétences autoréférentiels !

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