25/09/13
Le soleil est de retour. L’astre éblouissant a sur moi l’effet d’une des spécialités de ma ville natale, la soupe Angevine. Après une semaine de route sous la grisaille et sous la pluie, cette journée toute teintée de bleu, chaude et parfumée comme un pain aux raisins tout juste sorti du four du boulanger, me fait sourire bêtement et tituber sur la ligne blanche de la D988, entre Les Masures et Sormone. Je chante seul et fort. Si fort que j’en chante faux. Je chante si fort que mes cordes vocales me chatouillent. Je suis si enthousiaste que j’ai envie de déclarer ma flamme à toutes les créatures que je croise. Trois vaches, une buse et une libellule sont donc les cibles de ma joie et de mon amour de la vie.
Avant d’aller plus loin dans le récit de la journée, je souhaite faire un saut en arrière de quelques heures et vous parler de William.
Lorsque j’arrive au cœur du village Ardennais des Masures, je me mets en quête d’un endroit où je pourrais me reposer et boire une boisson chaude. Nous sommes dimanche, le patron du bar du village a choisi ce jour, pour fermer. C’est son droit. Je continue mes recherches. Il n’y a pas un chat qui traîne. Dans la rue derrière l’église, un homme marche dans ma direction. Au moment de nous croiser, nous nous saluons. Il me pose quelques questions auxquelles je me fait un plaisir de répondre. Les marcheurs chargés comme des mules stimulent la curiosité et l’intérêt. Je lui demande si je peux trouver un endroit autre que le bar du centre pour y boire un café. Il répond par la négative. L’instant suivant, il me propose de le suivre jusqu’à chez lui. Il se ferait un plaisir, me dit-il, de me préparer une tasse de café.
J’ai décidé de profiter de ce voyage pour apprendre à faire ce que je ne faisais pas avant, accepter ce que l’on m’offre. J’accepte donc avec plaisir.
Chez lui, le café à la main, nous discutons du bonheur que peuvent offrir l’inattendu et la confiance en l’autre. Nous sommes de parfaits inconnus l’un pour l’autre mais nous nous donnons ce que nous avons de meilleur, sans la moindre crainte ni retenue.
Au bout d’un quart d’heure, notre discussion nous amène à ce pour quoi nous nous sommes croisés. Il me raconte cette expérience merveilleuse qu’il a vécu il y a quelques années. Dans un moment de détente intense et de lâché prise total, il me dit s’être « détaché » de son corps. Je sais tout de suite de quoi il me parle. Sa conscience, me raconte-t-il, a bondi hors de son enveloppe charnel et lui a montrée une partie de ce que l’âme est capable de vivre et de ressentir quand elle est libre. Il raconte cette dimension intense, immense, belle et bonne. Ses yeux sont grands ouvert et son visage rayonne. Son témoignage ne fait que rejoindre des millions d’autres témoignages de ce que l’on appelle des voyages astraux ou autres expériences de mort imminente, racontés à travers toute la planète. Ces témoignages nous révèlent que l’âme, dans certaines circonstances, peut s’émanciper et s’envoler en direction d’où elle vient, la source de la vie, dans l’invisible. Il suffit de se pencher un peu sur le sujet, de quelques jours d’étude, pour découvrir cette face incroyablement méconnue et pas moins excitante de notre potentiel illimité. D’après tous ces témoignages, notre âme serait comme prisonnière, temporairement, de notre corps. De l’autre côté, d’après eux, se trouve la grâce, la joie, la plénitude, l’éternité, l’amour.
De nombreuses études et recherches à ce sujet sont en cours à travers le monde entier. Les hommes en blouses blanches travaillent. Les hommes en blouses blanches vont trouver. Les hommes en blouses blanches sont, tristement, les seuls que notre monde est capable d’entendre. Alors vite, que les hommes en blouses blanches parlent ! Les découvertes futures de l’Humanité vont la faire littéralement décoller. Ce que l’on va apprendre va nous obliger à repenser tout à fait autrement, sur de nouvelles bases, ce qu’est la vie et ce qu’est l’être humain. C’est ma conviction intime.
Il me raconte sa capacité à anticiper les événements par de fortes intuitions et inspirations. Je lui dis qu’il est médium. Il me dit que peut être. Dix minutes plus tard, William sort un jeu de carte qu’une dame lui a donné il y a vingt cinq ans et me demande, si je le souhaite, de tirer plusieurs cartes. L’échange autour des cartes dure un moment. A sa demande, je reste silencieux durant son travail. Cette activité semble lui demander beaucoup d’énergie. C’est pourquoi il le fait peu, me confesse-t-il, seulement quand il sent que le moment est propice et bon. Quand c’est terminé, il me dit de laisser cet échange dans un coin de mon esprit et de continuer ma route, simplement. Je suis touché par ce moment car tout ce que j’imagine sain et honnête dans ce type d’échanges est réuni chez William et dans notre échange.
William m’a offert un moment délicieux. Merci William. C’est étrange et fascinant, depuis que je m’intéresse a la face cachée de la vie, je rencontre de plus en plus de gens qui semblent en contact avec cette dimension invisible à l’œil humain. C’est comme si la vie me murmurait à l’oreille : « C’est bien, continue sur ce chemin. »
Ce matin, vers huit heures, je passe sous les fenêtres de William. Je lève la tête. A ce moment là, le volet roulant de l’une d’elles monte doucement. Le rideau s’agite. La fenêtre s’ouvre et William montre son visage souriant et me propose un café avant de prendre la route ! J’accepte. Une fois chez lui, il part à la boulangerie. Je lui donne un billet pour qu’il achète des croissants. Il refuse. J’insiste. Il refuse. J’insiste. Il refuse. Je m’incline. Nous petit déjeunons ensemble. Merveilleux.
Le reste de la journée est ponctué de petits moments tous aussi précieux les uns que les autres. Après, une bonne heure de marche, j’arrive à Renwez. Là, un banc public tiédi par le soleil matinal semble m’appeler. C’est l’heure de faire une pause. Ma bouteille d’eau est vide. Tant pis, je boirais plus tard. Cinq minutes passent. Je ferme les yeux et me recueil dans le silence intérieur. C’est si reposant. Une femme parle. J’ouvre les yeux et la salue dans un grand sourire. Elle me demande si je suis malade, si tout va bien ! Très bien, merci madame. Je fais juste une petite pause ! Elle s’aperçoit que ma bouteille est vide et se propose de la remplir. Merveilleux. Deux minutes plus tard, je me désaltère avec de l’eau fraîche et je reprends la route.
Quelques kilomètres plus loin, dans le hameau de Lonny, une belle demeure au jardin très accueillant est signalée comme étant un bar-restaurant. Parfait. La terrasse est au soleil. Parfait. Je passe le grand portail. Tout est désert. Je frappe à la porte grande ouverte de la maison et je souris en constatant que la radio du salon, est calée sur la même station que la mienne. Quand le patron se présente, c’est la première chose que je lui dis, ça nous lie avant même de nous parler. Il me dit qu’ils sont fermé. Cinq minutes plus tard, après un bref échange plein de sourires, je suis installé au soleil avec un café et une friandise au chocolat, offerte par la maison. Parfait.
Une fois arrivé à ma destination du jour, Rouvroy sur Audry, je rentre dans l’unique bar du village. Dans un franc et sincère sourire et avec une voix pleine et assurée, je salue la cantonade. Silence. Finalement, tout le monde me rends mon salut. Ça sent fort l’alcool et la tristesse. Le bar est plutôt sombre et précaire. Il y a de la détresse dans l’air. Très vite, après quelques mots échangés, tous les visages se tournent vers moi. Qui c’est donc que ce gars la ? Mille questions me sont posées. Mille réponses leurs sont données. Après seulement une demie heure, j’ai dans le fond de la poche, les pièces en bronze de Jeannot, Agnès, Popaul et Alain ! Popaul, m’a demandé de prier pour lui une fois que je serais arrivé à Saint Jacques. Je lui propose de me donner une pièce de un centime et lui dis qu’ainsi, il voyagera avec moi. Une fois à Saint Jacques, je lui promets que je déposerais sa pièce au bon endroit. Il est ravi ! Son regard voilé par l’alcool, me pénètre intensément. Son cœur, lui, n’est pas touché par la bière. Il me sert chaleureusement les bras, les mains, les épaules et insiste pour que je pense à lui pendant mon voyage. Je le ferais. Pour lui et pour les autres. Je vais ranger précieusement ces pièces et celles que je recevrais tout le long de mon voyage. J’aurais à la fin de mon périple, je le pressens, la poche lourde de ces gens qui, pour x raisons, ne peuvent pas partir comme j’ai la chance de pouvoir le faire. Je marcherais pour eux.
A la fin de la journée, après une petite balade dans le village, accoudé au bar avec un jus de fruit que Damien m’a offert, il me pose des questions sur mon repas du soir et sur l’endroit où je vais dormir. Je vais planter ma tente derrière l’église et j’ai un bout de pain, du fromage et une pomme pour me restaurer, lui dis-je. Il me demande si j’ai déjà mangé de la soupe à l’oseille. Non. J’habite juste en face, me dit-il, je reviens dans cinq minutes. Pendant son absence, les gars au bar me disent que Damien est un homme au cœur gros comme ça. Pas plus tard que cinq minutes plus tard, c’est à dire cinq minutes plus tard, il revient avec un bol fumant, de soupe à l’oseille et du fromage de chèvre! Il m’installe sur une table et me souhaite un bon appétit. La patronne, Agnès, m’apporte a son tour du pain et un jus de fruit. C’est pour moi, me déclare-t-elle ! Je suis sans voix. Et ce n’est pas fini ! Damien me dit qu’il doit aller à Charleville Mézières et qu’il m’aurait bien accueilli chez lui ! Il me propose tout de même de mettre son garage à ma disposition pour que je sois au chaud et à l’abri de la nuit. Il n’emmène donc dans son garage, va me chercher de l’eau, des couvertures et un pull. Il me laisse la clé de son garage et me dit de la remettre le lendemain matin à Agnès. Il s’en va et me laisse seul chez lui. Merveilleux.
C’est de ce garage que j’écris le récit de cette journée aussi intense qu’un rêve. J’ai l’impression que je suis entrain de découvrir une loi fabuleuse de la nature. Plus je remplis mon cœur d’amour inconditionnel pour tous et à chaque instant, plus la vie me donne de l’amour en retour. C’est la raison de ce voyage, apprendre à aimer inconditionnellement.
Merveilleux.
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