Sans doute pour contredire sa mauvaise réputation, l’automne a profité de la belle journée ensoleilléede dimanche dernier pour s’inviter dans nos contrées. Temps doux et presque chaud. Sans pluie ni vent de traverse. Un temps idéal pour baguenauder dans la campagne à la recherche des premiers champignons, bolets bais à l’ombre des sapins, coprins chevelus dans les prés en concurrence avec les rosés, chanterelles et autres pieds de mouton. Les chasseurs, eux aussi, fusil au point et chienfou dans les jambes, arpentent les champsdans l’espoir de "tirer" un lapin et peut-être même un lièvre ou une perdrix. La campagne régresse à grands pas en cette saison. L’homme rural aime en effet à revenir aux temps jadis où il se nourrissait de baies sauvages et de racines, d’une tranche de mammouth ou de phacochère les jours fastes et, le vendredi, d’une truite bien dodue pêchée dans les eaux claires d’un ruisseau. Il a pourtant découvert depuis l’agriculture et l’élevage. Il cultive son jardin potager et élève ses poules et ses lapins au fond de son courtil. Mais la nostalgie lui est encore tenace au cœur et au ventre. Le citadin, lui, se contente modestement de rechercher sa nourriture au supermarché. On rencontre en effet fort peu jardins potagers au centre des grandes villes. En dépit des reportages dits "de société" diffusés en fin de journal télévisé pour donner un ton bucolique aux nouvelles attristantes mises en exergue pour attirer le chaland. Quoi qu’il en soit, le jardinier des champs ignore ces billevesées. Il interroge le ciel et constate que la lune est à la fois en phase décroissante et en trajectoire montante. Il en déduit alors l’interdiction formelle d’élaguer ses haies, de bêcher ses platebandes, de planter, de repiquer, de tondre ou même de bouturer. Le jardinier est invité à s’asseoir dans sa chaise longue, à regarder ses bouleaux s’orner de mille pièces d’or qui tapisseront bientôt sa pelouse et à admirer les rares oiseaux qui n’ont pas émigré vers les pays chauds. Merles noirs et moineaux communs, accenteurs mouchets, très rares, troglodytes mignons ou pinsons des arbres. Ils sillonnent allègrement les espaces inondés de soleil à la recherche des derniers moucherons ou des fourmis volantes qui sourdent des herbes par milliers. Anaïs, la petite fille de mes voisins Mathieu et Juliette en "vacances" chez le Papet pour la journée, s’émerveille du spectacle à mes côtés. Ses petits cris aigus troublent à peine la sieste de César, mon chat-donné, qui s’étale majestueusement à ses pieds. J’avais pourtant décidé de poursuivre la lecture du dernier ouvrage de David Malouf, "Une rançon", (traduit de l’anglais par Nadine Gassie chez Albin Michel) où il fait magistralement revivre l’Iliade d’Homère. J’attendrai la nuit. Le monde, parfois, sait se montrer généreux avec le paresseux et ils ne s’en trouvent l’un et l’autre pas plus mal pour autant.
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