A l'entrée de l'exposition, on nous remet une carte d'embarquement comme celle que portait le passager de l'époque avec son nom et les détails de vie au dos.
IMMERSION!
Durant le parcours, je suis Mr Austin Blyler Van Billiard, j'ai 35 ans, je suis originaire de North Wales en Pennsylvanie et je voyage en 3è classe avec mes deux fils James William (10 ans) et Walter John (9 ans). Après avoir quitté mon pays en 1900, voyagé en Europe, m'être marié et avoir exploité une mine de diamants en Afrique centrale avec ma femme. Je rentrais chez moi, en Pennsylvannie pour voir mon père et tenter de m'installer comme marchand de diamants. Beaucoup sur le paquebot pensait que ma malle était remplie de pierres précieuses ce qui faisait beaucoup rire mes garçons...
Lors d'un de mes voyages en Europe, je suis passé par Paris et pendant l'embarquement quand j'ai entendu des français dire que le Titanic était aussi grand que la Tour Eiffel, j'en ai eu le souffle coupé.
Il est vrai que le bateau est impressionnant, le quai est noir de monde. Des cris, des rires mais beaucoup de larmes des accompagnants qui disent au revoir aux passagers et qu'ils pensent ne pas revoir avant plusieurs mois pour certains...
Nous n'avons pas le droit de nous promener aux étages réservés aux premières et secondes classes, mais vous savez mieux que quiconque comment sont les enfants... Je passe mon temps à courir derrière James et Walter qui se sont mit en tête de visiter chaque recoin de ce géant des mers.
En passant dans le couloir des premières classes, j'ai croisé deux femmes (françaises de ce que j'ai entendu) qui immortalisaient leur voyage en se prenant en photo. J'avoue ne pas y avoir pensé et mon appareil est resté en Afrique, j'étais déjà tellement chargé.
Une porte s'est ouverte et le petit diable de Walter en a profité pour s'y faufiler au nez de la femme de chambre, quelle plaie!
Je prends une grande respiration et pars à sa recherche. La chambre est baignée par la lumière du jour (ça change de la 3eme classe obscure à souhait) et le mobilier est raffiné, digne des plus grands hôtels étoilés. Du bois massif pour le lit, des tissus cossus pour les assises de chaises et du marbre pour les sanitaire, un concentré impressionnant de luxe au centimètre carré. J'attrape Walter qui s'est glissé sous la table et ressort avant de m'attirer des ennuis.
Je cherches James dans ce dédale de couloir et le retrouve au pied d'une pendule au milieu de l'immense escalier, là encore réservé uniquement à la première classe. Heureusement que j'ai eu la présence d'esprit de n'emmener que nos habits du dimanche, dans l'agitation nous pouvons à peu près passer inaperçus...
En redescendant dans les parties qui nous sont autorisées, on se rend bien compte de la différence de "standing" comme disent les anglais. Des chambrettes minuscules, malgré tout l'ensemble est propre et là, encore je suis ravi d'avoir gardé nos économies qui nous seront bien utiles une fois rentrés au pays.
En regagnant notre 3ème classe, nous sommes passés devant les menus proposés aux différentes classes et s'il n'y a pas de grande différence entre les 1ère et 2nde, heureusement que la plupart des gens voyageant en 3ème ne savent pas lire, la compagnie aurait droit à une mini révolution, je vous laisses vous faire votre propre idée...
Les salles à manger se passeront de commentaires, en haut la première classe, en bas à gauche la seconde et enfin notre réfectoire où l'ambiance, j'en suis certain est beaucoup plus détendue que dans les deux autres.
Après diner, je sors avec les enfants sur le pont de poupe (celui réservé aux 3ème classe), histoire de prendre l'air avant de nous coucher. Il fait un froid de gueux et la nuit est noire sans étoile, glaciale. Je remonte le col de ma veste et regarde mes petits penchés sur la balustrade.
Le bateau avance avec un vacarme effrayant sur une mer d'huile, sans pratiquement faire de vagues.
Je suis dans un demi sommeil quand un bruit déchirant me fait sursauter, je regarde ma montre posé sur la tablette près de ma couchette: il est presque minuit. Dans le couloir, j'entends mes compagnons de voyages qui se questionnent. Les garçons ont été réveillés et se serrent l'un contre l'autre cherchant dans mon regard du réconfort. J'enfile mon manteau et mes pantoufles, avant d'aller voir de quoi il retourne. Je souris aux petits et leur dit de ne pas s'inquiéter, nous voyageons sur "l'insubmersible" que diable! Ils rient... Je cherche à regagner le pont supérieur, et je suis stupéfait de voir que tout le monde porte un gilet de sauvetage. Que se passe-t-il? Impossible d'en savoir plus. Les gens deviennent fous, hurlent, se bousculent... J'essaye d'aider une vieille dame à se remettre debout, elle vient de passer 10 minutes à être piétinée dans l'indifférence totale. Je grelotte dans ce couloir de 3ème classe, en jetant un oeil sur mes pieds, mon sang se glace d'horreur. Les moquettes bon marché sont humides. Le bateau prend l'eau! Je retourne sur le pont de poupe à l'air libre et aperçois un énorme glacier, si proche que je pourrais pratiquement le toucher. Des paquets que l'on jette des ponts supérieurs me sortent de ma stupeur et en aiguisant un peu ma vue, je tremble en constatant qu'il ne s'agit pas de paquets mais bien d'êtres humains qui se jettent à l'eau... Je fais volte face et cours aussi vite que je peux pour retrouver mes petits, mes chers petits anges. Ils sont assis sur leur lit et devant mon teint blême, me demandent si tout va bien. Comment leur annoncer l'atrocité de la situation? Et puis, je me souviens des somnifères en sirop dans la malle, j'attrape le flacon et leur en administre à chacun, une dose mortelle. Que faire d'autre? Nous n'avons plus le temps, j'ai vu l'eau montée un peu plus bas que notre étage, il n'y a pas cinq minutes et je ne veux pas qu'ils souffrent. Le froid de l'eau m'a pratiquement brûlé les orteils, d'ailleurs en y pensant je ne les sens même plus tant ils sont engourdis. Sont-ils toujours là? J'essaye de les remuer. En vain. Les yeux de mes garçons commencent à se fermer, ils se plaignent du froid et je décide de m'installer entre eux après avoir avalé le reste du flacon de sirop. Nous ne seront plus de ce monde quand le Titanic s'enfoncera dans une eau glaciale 30 minutes plus tard... Et je mourrais loin de ma patrie. Loin de mon pays. Sans même avoir revu mon père. Et dire que tout le monde voulait sa place sur le voyage inaugurale de ce "géant des mers". Ce paquebot insubmersible qui deviendra ma dernière demeure. Pour l'éternité. Tiens, je n'ai plus froid du tout...*
Ce qu'il reste du Titanic? Se sont des objets retrouvés sur l'épave lors de multiples plongées sur les lieux du drame et ceux légués par les survivants à leurs descendants. Des pièces m'ont interpellé comme ce fer à friser dont je n'ai toujours pas compris le fonctionnement ou ce joli pot de dentifrice...
Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, l'iceberg n'a pas éventré le bateau en une large brèche de 100 mètre. Un sonar qui a observé sur place les dégâts a relevé 6 petites entailles pas plus épaisses qu'un bras humain réparties le long du premier tiers avant du navire.
Les deux parties du bâtiment reposent à environ 800 mètres l'une de l'autre, les scientifiques s'accordent à dire que quoi qu'il arrive, l'épave aura disparu vers 2050...
* Le récit en italique n'est que pure fiction et n'est dû qu'à mon imagination, un peu creuse...