Hier je relisais des docs au boulot.
On me demande souvent de le faire car il semblerait que j’ai un oeil assez aguerri.
Je dois avouer que je trouve cela gratifiant, même si je ne suis pas infaillible la dessus sur les mes fautes.
Après, j’en ai profité pour parler lectures, orthographe et grammaire avec une de nos stagiaires. Elle m’explique qu’elle a du mal avec l’orthographe, qu’elle fait souvent des fautes. Elle lit pourtant pas mal, mais ça ne marche pas, elle continue à avoir des lacunes.
On papote là dessus. Je lui explique que perso petite et jusqu’au collège, Je me débrouillais plutôt bien. Et puis au lycée, quand je suis arrivée en STT, j’ai eu la sensation de perdre pied en français. Je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé, peut-être le choc de me retrouver dans une filière par défaut et de voir mon rêve de me retrouver en L complètement anéanti. A la fac où j’ai vraiment bossé sur mes lacunes. J’avais eu la sensation de redevenir à mes yeux et aux yeux des autres, celle qui avait un bon niveau en français. Mais ce sentiment avait failli se péter la tronche aussi vite qu’il était venu.
A cette époque, je suis en 1ère ou 2ème année de Deug de socio. Je vais en cours souvent avec passion, mais parfois à reculons parce que j’ai des envies de glande tenace. Ce jour là dans ce cours de socio, j’écoute le prof. Nous devions faire une synthèse de 2/3 pages sur un sujet et le prof devait éventuellement nous interroger à l’oral.
Finalement, il décide de ramasser nos feuilles, il les corrigera et nous les rendra au cours suivant. Je proteste, je ne veux pas qu’il prenne ma feuille. A la fin du cours, je vais le voir et lui explique que j’ai utilisé plusieurs abréviations pour ce devoir car je ne m’attendais pas à ce qu’il le ramasse. Oui car, la veille, pour la 1ère (et dernière fois) j’utilise des abréviations comme un "2" pour remplacer les "de", des "pk" pour les pourquoi. Je n’ai pas tout écrit comme ça, mais quelques mots sont abrégés. Ça m’avait pris comme ça.
Je pars confiante, je me dis que c’est pas très grave (je ne sais même plus pourquoi j’avais fait ça), ça ne me pénalisera pas.
Tu parles.
Au cours d’après, il nous rend les copies. Il me rend la mienne, me disant discrètement qu’il veut me voir à la fin du cours. Je n’ai pas de note sur mon devoir. Je ne fais pas la fière quand je me présente à son bureau, je me dis qu’il va me sermonner suite à mon langage tronqué.
Et en fait non, il me dit qu’il a été malheureusement surpris par mes abréviations. Qu’il juge que cela vient de grosses lacunes venant de mes bases orthographiques et grammaticales, que je ne dois pas avoir honte de ne pas savoir écrire certains mots, qu’il comprend bien que vu que je dois venir du même milieu que lui (il est persuadé que je dois venir d’une cité, alors qu’en vrai pas du tout) et du coup que cela doit expliquer mes "abréviations". Il me dit de bien suivre ses cours, cela va m’aider pour adopter un français plus soutenu. Tout au long de l’année, il pourra m’aider à adopter un langage courant "normal" de manière écrite et orale.
Interloquée, je ris, je lui explique que non, que c’est juste une fantaisie, voire une paresse de ma part ces abréviations, que je sais très bien écrire les mots correspondants, que je fais des fautes comme tout le monde, mais que je n’ai pas de problème particulier. Ni écrit, ni oral. Je lui redis que je ne pensais pas que les devoirs seraient ramassés et que c’était une synthèse qui était destinée à être lue seulement par moi.
Seulement par moi.
Et là, il repart sur le même laïus.
Ce jour là, je n’ai pas insisté, je me suis dit que le meilleur moyen de lui prouver que je n’étais pas celle qu’il pensait c’était encore de lui montrer par le "pouvoir" de la copie. Mais je me souviens m’être sentie vraiment mal, suite à cette méprise. L’idée d’être catégorisée aussi rapidement m’énervait à l’époque (et encore aujourd’hui). Et je me souviens avoir mis du temps à ce qu’il ne me considère plus comme une "fille" complètement larguée orthographiquement parlant. C’est mon ego qui en a pris un coup je crois.
Je me suis sentie nulle.
Avec le recul, je me dis que maintenant, ma réaction serait différente. J’essaierais toujours de réparer la méprise, mais je n’insisterais pas. Je pense avoir enfin compris que je n’ai pas un total "pouvoir" de changement de regard de certaines personnes sur moi et sur mes actions (c’est pas encore gagné).
Et puis la méprise aussi énervante soit-elle, fait aussi invariablement partie des rapports humains. Alors bon.